Droits fondamentaux et sociétés numériques

Barbara Gomes et Cécile Deschanel

Sujets d'exposé ("l'idée c'est de faire quelque chose d'un quart d'heure, très synthétique") :

  • utilisation de l'image d'une personne sur les réseaux sociaux/sur internet
  • utilisation de l'image d'un bien sur les réseaux sociaux/sur internet
  • la protection des mineurs à la télévision
  • utilisation d'une musique sur un site internet
  • les enfants influenceurs
  • le droit à l'image des mineurs sur internet
  • le statut juridique des influenceurs
  • la diffamation sur internet
  • le droit à l'oubli numérique
  • lutte contre la diffusion de contenus haineux en ligne
  • les fake news
  • le parasitisme économique
  • la contrefaçon de marque en ligne

Ressources

Notes de cours

"quel lien vous faites entre l'uberisation et la thématique de ce cours ?"

  • le travail dissimulé doit émaner d'une intention délibérée : on doit questionner la volonté de ces modèles d'exercer une influence sur les modèles normatifs et sociaux
    "quel lien vous faites entre choix normatifs et choix de société ?"
  • le droit n'est pas neutre : "en droit, le pragmatisme, l'objectivité, ça n'existe pas", la règle est l'expression d'un choix de société ("si vous vous mariez, vous serez récompensés en payant moins de droits de succession")
  • la société va demander des réformes pour que le droit s'y adapte, "des fois c'est l'inverse"

l'idée du droit fondamental, c'est l'idée d'un socle
ces valeurs ont une telle importance qu'elles doivent se refléter au plus haut des valeurs juridiques

"je choisis un angle parmi l'immensité des droits fondamentaux" : les droits des travailleur.euse.s

  • droit de grève
  • droit de se syndiquer
  • droit de retrait
  • droit au repos
    mais ces droits sont rattachés à la nature de travailleur.euse

on va considérer que la personne du salarié, pas seulement en termes de contrat de travail, est titulaire de libertés que sa subordination à l'employeur ne remet pas en question
"quand on est passé à la Révolution d'un système de rang social à un système de contrat, il peut y avoir contradiction à ce que le seul contrat inégalitaire légitime l'infériorité du salarié à son patron"
"il commence à émerger l'idée de faire des sphères" :

  • CE 1er février 1980, Peintures Corona, première application explicite des droits humains au travail
  • loi Auroux de 1982, création du Code du travail
  • 1992, rapport de Gérard Lyon-Caen, "le père de l'ancien droit du travail avant sa démolition"

"il y a des gens qui gagnent beaucoup d'argent et qui sont parfaitement inutiles dans la société, et d'autres qui font un travail important mais moins valorisé, et il est d'autant plus important que le droit protège ces derniers"

"l'uberisation, c'est au cœur de notre société"

Info

"regardez le Cash Investigation "Nos données valent de l'or" en replay, c'est presque un devoir maison", "et "Au secours, mon patron est un algorithme""
"aussi, c'est plus un sujet IA qu'un sujet plateforme, mais regardez le travail de Clément de Ludec et Maxime Cornet sur la sous-traitance du micro-travail et les liens avec le passé colonial, c'est vraiment passionnant"

"c'est extrêmement difficile de définir ce qu'est une plateforme", "les gens disent que Netflix est une plateforme, alors que pas du tout"

  • définition du Code de la consommation (art. L111-7) :
  • définition du Code des impôts (art. 242 bis) :
    leur point commun = la mise en relation ("souvent associé à du courtage")
    "mais je ne pense pas que ça va aller pour tout ce qu'on va observer"
  • Code du travail art. L7341-1 : si ce n'est qu'une mise en relation, la plateforme n'intervient pas dans la relation de travail
    la définition est imparfaites : on décide que la plateforme numérique n'est pas une plateforme de travail, "et en un sens c'est vrai, c'est une entreprise comme une autre, mais organisée de façon algorithmique"

il faut distinguer entre plateformes collaboratives et plateformes marchandes
"regardez mon schéma, ça permet de contrer le discours d'Uber qui prétend être juste collaboratif, "le Tinder du transport" qui n'intervient pas"

"automatiser le pouvoir patronal" = intensification du pouvoir patronal

"en droit, un mot, c'est une qualification, et d'une qualification découle un régime juridique ; si vous n'avez pas le bon mot, vous n'avez pas le bon régime"
collaborateur ≠ travailleur subordonné
"il y a un travestissement de la véritable nature des relations"

les algorithmes permettent de diriger, contrôler et sanctionner de la manière la plus radicale qu'il soit (Antoinette Rouvroy) "sans possibilité de négociation"

à ce sujet

cf. Bayart et "l'ordinateur est fatal"

"Uber se cache souvent derrière l'argument que c'est pas eux qui décident, c'est l'algorithme"
"mais qui décide des comportement à sanctionner ? c'est bien la plateforme"

"lorsque les plateformes arrivent dans un territoire, elles ne font pas comme les autres acteurs économiques traditionnels" : "elles veulent d'abord imposer leurs pratiques aux normes des États"

J.E. Rey, 1996 : "vous voyez que dans ce texte, pour cet auteur, le salariat et la subordination c'est terminé, il n'y a plus de droit du travail", "une forme de déconnexion assez terrible"

Contrat de travail = "convention par laquelle la personne physique s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre personne physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération"
il faut donc :

  • une activité
  • une rémunération
  • un lien de subordination <- critère distinctif du CdT
    "on trouve cette idée dès 1931, arrêt Bardou de la chambre civile de la CCass."
    mais il a fallu attendre 1996 pour avoir une définition, "c'est vous dire comment les juges se débrouillaient avec la casuistique" : direction/contrôle/sanction, les 3 piliers de l'exercice du pouvoir

indisponibilité du CdT (Cass. soc. 4 mars 1983 École des roches) : "vous ne pouvez pas en disposer, c'est important le langage"
on est salarié ou on ne l'est pas, ce n'est pas le CdT qui va déterminer l'application du droit social

CJUE 20 décembre 2017, Associacion Profesional Elite Taxi : les livreurs ne sont pas requalifiés en salariés, car la question n'est pas posée
c'est la Cass. soc. qui aura la compétence de le faire (arrêts Uber)

Chronologie normative :

  • protestations violentes contre les VTC
  • 8 août 2016, loi El Khomri, "pour calmer les mécontents"
  • CJUE Elite Taxi : Uber n'est pas un simple intermédiaire, c'est une plateforme de travail, "normalement si la hiérarchie des normes s'applique, la France aurait dû se mettre en conformité"
  • septembre 2018, loi sur l'avenir professionnel (Aurélien Taché) pour une "charte" de protection des travailleurs et "sécuriser les plateformes numériques" : "je sécurise vos contrats illégaux, c'est ça que ça veut dire"
    quand on a un dispositif juridique qui n'a rien à voir avec le texte qui le poste, on appelle cela un cavalier législatif -> censure par le CConstit.
  • 28 novembre 2018, Take Eat Easy, "arrêt très laconique, y'a des copies de cas pratique plus fournies"
  • décembre 2019, "le gouvernement revient à la charge, c'est quasiment la charte de 2018 au mot près"
    à nouveau censure du CConstit. : il ne faut pas que ces chartes servent à contourner le travail du juge
    "et si ça ne concerne que les plateformes d'intermédiation, vous savez à qui ça ne s'applique pas ? toutes les autres plateformes"
  • 2020, arrêt Uber : "à 14h02, la page du site de la CCass s'actualise avec la décision, un communiqué de l'arrêt pour que l'AFP n'ait pas à tout relire, une note sur la décision plus technique, et le tout en français, anglais et espagnol : c'était la toute première fois que la chambre sociale faisait tout ça, parce qu'elle savait que le monde entier était en train de regarder, et qu'elle voulait montrer qu'elle savait ce qu'elle faisait, pas comme avec l'arrêt Take Eat Easy"
    le lendemain de la décision, le ministre du Travail (Muriel Pénicaud) et le premier ministre (Édouard Philippe) font un communiqué, "où ils disent en gros que les juges ne savent pas ce qu'ils font" => "c'est un choix politique"
  • Rapport J.Y. Frouin, "et là c'est enfin explicite" : dans la lettre de mission adressée à Frouin par Édouard Philippe, il est demandé de définir un rapport qui n'est pas le rapport salarié ("cote mal taillée")

Tribunal correctionnel Paris 19 avril 2022 Deliveroo, "un arrêt que j’ai adoré, y'a tout dedans"
"c'est du pénal parce que le travail dissimulé, c'est un délit"
"il faut bien vous rendre compte, c'était très impressionnant à voir : les cadres dirigeants ont vraiment le sentiment qu'il ne peut jamais rien leur arriver, ils ont une armée d'avocats, en face d'eux chaque partie civile en a un, donc il y en a 3"
la juge parle d'habillage juridique ayant pour seul but de dissimuler le salariat
et met en évidence un faisceau d'indices pour caractériser les 3 piliers du pouvoir :

  • pouvoir de direction : les micro-entrepreneurs ne travaillent que pour Deliveroo, ont des obligations de formation préalable et de déclaration de congés ("ça ça s'appelle pas être indépendant, ça s'appelle de la gestion salariale")
  • pouvoir de contrôle et de sanctions : tenues et équipements obligatoires ("je vous rappelle que c'est eux qui les paient"), géolocalisation
    "la juge le dit elle-même : être copain avec le gouvernement, ça n'a pas force de loi"

juste après, autre condamnation de la chambre sociale : 9,7M€ à verser à l'URSSAF "juste sur 2015/2016, imaginez si ça avait été sur une période plus longue"


"on va poursuivre ce cours avec des aspects différents"
"on se fera un exposé par groupe de 2 ou 3 sur la dernière séance"

les droits fondamentaux ont dû être repensés à l'ère du numérique

  • certains en ont été renforcés (liberté d'expression, d'entreprendre)
  • d'autres fragilisés (droit à la propriété intellectuelle, respect de la vie privée)
  • et le numérique invite à la découverte de nouveaux droits

Partie 1 : Numérique et protection repensée des droits fondamentaux existants

Titre 1 : renforcement des libertés et droits fondamentaux grâce au numérique

Chapitre 1 : liberté d'expression
Section 1 : liberté d'expression à la télévision

"la télévision c'est du numérique" depuis fin 2011 (extinction de la diffusion analogique)

*§1 Les sources de la liberté d'expression*

droit garanti à chacun de manifester ses pensées, ses opinions, ses croyances, que ce soit par la parole, par l'écriture ou par l'image, par tous les moyens de reproduction et de diffusion de la pensée et de la parole, ainsi que la liberté de communiquer à autrui des idées ou des informations
garanti depuis longtemps :

  • art. 11 DDHC "un des droits les plus précieux de l'homme", art. 10 "nul ne doit être inquiété..."
  • art. 9 et 10 CEDH
  • loi du 29 juillet 1881, "une vieille loi qu'on utilise toujours"

*§2 La mise en œuvre de la liberté d'expression à la télévision*

Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) : fusion du CSA et de l'Hadopi, qui a pris ses fonctions en juillet 2022
3 membres désignés par le Sénat, 3 par l'AN, 1 par le CE, 1 par la C de Cass., le président est désigné par le Pdt de la R.

ses missions :

  • garantir le pluralisme des pensées et opinions à la télévision, "en particulier pour les émissions d'information politique et générale"
  • veiller à la protection du jeune public

CSA 8 septembre 2021 : le CSA demande aux chaînes de décompter "dès le lendemain" les interventions d'Éric Zemmour (qui n'était pas encore candidat aux présidentielles de 2022) portant sur le débat politique national

"on essaie de faire entrer des lois pour encadrer, mais avec la diffusion à l'échelle mondiale, c'est compliqué"

CSA 7 juin 2017 : "la société C8 a gravement méconnu son obligation de faire preuve de retenue dans la diffusion d’images susceptibles d’humilier les personnes"
C8 conteste et obtient gain de cause : CE 18 juin 2018, 412-074, "la séquence litigieuse ne pose pas atteinte à la dignité de la personne humaine"
l'Arcom a été condamnée à payer 1 million (la chaîne faisait valoir son préjudice à 4 millions)

Arcom 31 mai 2023 : 300 000 € de sanction pour C8, pour des propos tenus à l'encontre de la maire de Paris ("celle-ci a fait l’objet d’attaques nominatives de la part du présentateur, qui l’a invitée à « fermer sa gueule » et à « chasser les rats la nuit au lieu de dire des conneries », l’a mise au nombre d’une « bande d’abrutis », s’exclamant « nous fait pas chier » et réitérant à plusieurs reprises l’expression « ferme ta gueule ».")

"l'Arcom ne punit pas Hanouna pour avoir insulté Hidalgo, ce qui est reproché c'est de tenir des propos violents vis-à-vis des téléspectateurs, c'est par rapport au public"

signalétique d'avertissement (depuis 2002 dans sa forme actuelle) :

  • -12 : "risque de perturber les repères d'un enfant de moins de 12 ans, notamment parce qu'il recourt de façon répétée à la violence physique ou psychologique ou évoque la sexualité adulte" : programmes du soir, impossible à les diffuser dans la journée (sauf chaînes spécialisées)
  • -16 : "risque de perturber les repères", "notamment les programmes érotiques" ou les "scènes de violence particulièrement impressionnantes"
  • -18 : programmes pornographiques ou de très grand violence réservés à un public adulte averti, qui "peuvent nuire à l'épanouissement physique ou mental des moins de 18 ans" : entre minuit et 5h du matin
    la signalétique n'est pas présente dans les "journaux d'information avec reportages courts pour lesquels les pictogrammes ne peuvent pas jouer efficacement leur rôle" : le présentateur doit avertir clairement le public avant de diffuser des images difficiles ou des témoignages d'événements dramatiques, "permettant à l'adulte d'éloigner les enfants de l'écran"
    pas de signalétique non plus pour les publicités
Section 2 : la liberté d'expression sur internet

*§1 : Le principe*

Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) 2004
différencie 2 grandes catégories d'acteurs :

  • l'éditeur de contenu : qui élabore, ou qui a un rôle dans le choix du contenu
  • l'hébergeur : qui fournit une prestation de stockage en ligne (art. 6.1.2)

normalement, l'éditeur de contenu a une plus grande responsabilité que l'hébergeur, "mais il y a une tendance à responsabiliser davantage l'hébergeur"

responsabilité de l'hébergeur si le contenu est à caractère manifestement illicite + pas retiré promptement
"autant sur le droit à l'image, c'est facile de retirer, autant sur une contrefaçon de marque, le "manifestement illicite", c'est un peu plus compliqué que ça"

TI Paris, 5 juin 2020 : le tribunal retient le rôle actif de la plateforme Airbnb dans la mise à disposition au public des informations transmises par les loueurs en vue de la location saisonnière, en considérant qu'il a une responsabilité plus forte que celle qu'elle faisait valoir

*§2 : Les limites*

"on va prendre 3 exemples" :

  • sites terroristes
  • pédopornographie
  • fake news

A) sites terroristes

la lutte contre le terrorisme se déroule aussi dans un environnement immatériel
territorialité : loi du 3 juin 2016, art. 113.2.1 Code pénal
"tout crime ou délit réalisé à l'aide d'un réseau de communication électronique, lorsqu'il est tenté ou commis au préjudice
d'une personne physique résidant sur le territoire de la République
ou d'une personne morale dont le siège se situe sur le territoire de la République,
est réputé commis sur le territoire de la République"

"vous le savez, le principe pénalement, c'est que l'interdiction soit prévue dans la loi et qu'elle soit claire"
"mais on a tendance à vouloir anticiper au maximum : par conséquent, on a essayé de punir le fait d'aller sur un site terroriste"
loi du 03/06/16 : art 421.2.5.2 CP "visiter habituellement" un site avec "images ou représentations"
soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes,
soit "lorsqu'à cette fin ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes"
l'article a fait l'objet d'une QPC (10 février 2017), immédiatement suivie d'une loi (28 février 2017)
"lorsque cette consultation s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée par ce service"
en plus de "habituellement" et "sans motif légitime"
de nouveau QPC (15 décembre 2017), l'article est anticonstitutionnel

B) pédopornographie

loi du 4 avril 2006, venue transposer la décision-cadre du Conseil de UE du 23 décembre 2003
donne une définition de la pédopornographie : "tout matériel pédopornographique représentant de manière visuelle
soit un enfant réel participant à un comportement sexuellement explicite ou s'y livrant, y compris l'exhibition lascive des parties génitales ou de la région pubienne d'un enfant
soit une personne réelle qui paraît être un enfant participant ou se livrant aux comportements visés précédemment
soit des images réalistes d'un enfant qui n'existe pas, participant ou se livrant aux comportements visés précédemment"

corruption de mineurs (art. 227.22) : "enfin, vous voyez bien qui c'est Jean-Luc Lahaye"
art 227.23 : détenir des vidéos

C) les fake news

2018 : l'insertion des fausses nouvelles dans le cadre juridique a fait éclater des polémiques quant à l'atteinte à la liberté d'expression : on a considéré que le cadre existait déjà (diffamation, injure, dénigrement)
"allégation ou imputation inexacte ou trompeuse d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir, diffusée de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d'un service de communication au public en ligne"

  • manifestement illicite
  • grossièrement faux : la définition écarte donc les opinions, les satires, les exagérations et autres parodies qui marquent habituellement les campagnes électorales
  • porter sur un sujet susceptible de changer la perception du public sur un candidat

la loi crée un référé pour agir vite, mais dans des conditions restreintes
TGI de Paris, 17 mai 2019 : rejet de la demande de retrait d'un tweet de Christophe Castaner ("ça n'avait pas occulté le débat")
"concrètement, il y a eu assez peu de décisions"

Chapitre 2 : la liberté d'entreprendre

les transformations dues à l'essor du numérique ne sont pas restées sans incidence sur les activités économiques, et en particulier la liberté d'entreprendre
celle-ci implique aujourd'hui le droit à l'existence numérique et le droit à fournir des services sur internet

Section 1 : droit à un nom de domaine

*§1 : attribution du nom de domaine*

caractères alphanumériques suivis d'une extension, "y'en a qui sont ouvertes, y'en a qui sont fermées"

Conseil Constit, 6 octobre 2010 (QPC) : en l'état actuel des moyens de communication, et eu égard au développement généralisé des services de communication publics en ligne, ainsi qu'à l'importance prise par ces services dans la vie économique et sociale, notamment pour ceux qui exercent leur activité en ligne, l'encadrement tant pour les particuliers que pour les entreprises du choix et de l'usage des noms de domaine sur internet affecte les droits de la propriété intellectuelle, la liberté de communication et la liberté d'entreprendre

le NDD est une dénomination unique qui permet de localiser une ressource, un document sur internet, et qui indique la méthode pour y accéder
AFNIC : Association pour le nommage internet en coopération, créée en 1998
"le préfixe www ne fait pas partie du nom de domaine, le nom de domaine c'est un suffixe + une extension"
domaines restreints : ne peuvent être enregistrés que par les personnes dont l'éligibilité a été prévue dans les règles d'enregistrement (.gouv, .museum, .coop)

avant d'enregistrer un nom de domaine, il faut :

*§2 : utilisation du nom de domaine*

a) Les utilisations licites

une fois enregistré, un nom de domaine peut être exploité de multiples manières :

  • faire l'objet d'un apport en société
  • d'une autorisation d'utilisation à titre précaire (louage, licence)
  • décret 31 janvier 2012 : une personne immatriculée au RCS peut déclarer le nom de domaine de son site internet

b) Les utilisations illicites

l'immense majorité de l'activité judiciaire autour des NDD est liée au phénomène dit de cybersquatting
désigne l'enregistrement des NDD fait au mépris des droits que les tiers peuvent avoir sur une enseigne, un nom commercial, une dénomination sociale, une marque, un nom de famille ou une œuvre de l'esprit
L713-2 et L713-3 CPP : protéger les titulaires d'une marque reproduite sous forme de nom de domaine

CCass com. 7 juillet 2004 : l'utilisation d'un nom commercial dans un nom de domaine qui porte atteinte à la fonction d'identification ou de publicité du nom commercial antérieurement utilisé par un concurrent exerçant dans un même secteur d'activité et sur une même zone géographique constitue un acte de concurrence déloyale

TGI Nanterre 13 mars 2000 : a été annulé un enregistrement de NDD identique au nom de famille de la championne de tennis Amélie Mauresmo, car un tel enregistrement empêchait cette dernière d'utiliser elle-même d'utiliser son propre nom pour un site => trouble manifestement illicite (atteinte aux droits de la personnalité)
TGI Paris 12 juillet 2004 (référé) : même chose pour François Bayrou

on peut aussi être condamné pour volonté de nuire
TGI Paris 9 juillet 2004 (référé) : propos diffamatoires (groupama-escrocs.fr, etc.)

Section 2 : droit à fournir des services sur internet

le droit à fournir des services à caractère économique bénéficie du régime général de la liberté d'entreprendre sur le réseau, qui ne distingue pas selon que le contenu a ou non une vocation commerciale
"attention, dans certains cas l'activité est réglementée"

§1 : La réglementation particulière de la publicité

Principe d'identification de la publicité : art. 20 LCEN

Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée.

121-4 Code de la consommation : liste de pratiques trompeuses

loi 31 décembre 1975 : emploi de la langue française

L122-8 et -9 C Consommation : obligation de transparence

marchandage : directive 2009/136CE venue modifier la directive du 12 juillet 2002

produits réglementés :

  • médicaments soumis à prescription médicale
  • tabac à destination des particuliers (la pub B2B est autorisée
  • alcool : "il ne faut pas montrer des gens heureux de boire de l'alcool"

§2 : La réglementation particulière selon le type de produit

"on a réglementé le livre sur internet, et récemment"
10 août 1981, loi Lang : toute personne qui publie un livre est tenue de fixer pour ce livre un prix de vente au public, qui doit être respecté par tous les détaillants (avec une possibilité de rabais de 5%)

"ce qui a posé problème, c'est 2 lois qui sont venues préciser cette règle" :

  • 7 juillet 2014, "loi anti-Amazon" -> interdiction de cumuler la gratuité des frais de livraison et le rabais de 5%
  • "mais ça n'a pas suffi" : 30 décembre 2021, loi Darcos -> tous les acteurs du marché de la vente en ligne de livres neufs doivent appliquer des frais de livrais de 3€ pour chaque commande inférieure à 35€

Titre 2 : affaiblissement des libertés et droits fondamentaux à cause du numérique

certains ont souffert plus que d'autres

Chapitre 1 : droit à l'image et au respect de la vie privée ; droits de la personnalité
Section 1 :

art. 9 Code civil : chacun a droit au respect de sa vie privée (intégré le 19 juillet 1970)
"c'est l'article qui englobe tous les droits de la personnalité", "même si le terme n'apparaît pas dans le CCiv"

hors cours

Izoard : "1984 donne matière à réfléchir sur la notion de « respect de la vie privée [privacy] », requalification en novlangue du concept de « liberté »"

pourquoi il n'y avait rien avant ? "après la Révolution, on va plutôt axer sur les droits de propriété"
"les sociologues vont considérer que la vie privée est apparue avec la propriété privée", "et avant il y avait peu d'atteintes (arrêt Rachel de 1858)"

arts. 226-1 à -9 Code pénal

CA Paris 13 mars 1965 : photo et état de santé du fils de Gérard Philippe

le droit à l'image est extra-patrimonial, "mais on sait aujourd'hui qu'il est fortement patrimonialisé"
"dès qu'il y a une atteinte au droit à l'image, on sanctionne avec l'article 9, même s'il n'y a pas d'atteinte à la vie privée"
"si on me vole des photos professionnelles, je suis victime d'un préjudice économique, mais ça n'a rien à voir avec ma vie privée, c'est un peu hypocrite, alors qu'aux États-Unis c'est plus clair"

droit à l'image = autoriser ou refuser la reproduction, la fixation ou la diffusion de son image

  • "fixation" : on n'a pas le droit de prendre une personne en photo, "les photographes n'aiment pas qu'on le dise"
Section 2 :

§1 : Problématique des mineurs

jusqu'au 19 février 2024 ("c'est très récent"), on n'avait pas de réglementation sur le droit à l'image des mineurs
la jpd considérait que l'autorisation des deux parents (exerçant en commun l'autorité parentale) était requise

loi du 19 février 2024 : vise à garantir le respect du droit à l'image des enfants (par leurs parents sur les réseaux sociaux)
le CCiv est modifié pour rendre les parents responsable du droit à l'image de leurs enfants

  • art. 1er loi du 19/02/24 : introduit la notion de vie privée dans la définition de l'autorité parentale
    • art. 371-1 CCiv : obligation des parents de "veiller au respect de la vie privée" de leur enfant, y compris son droit à l'image, au titre de leurs prérogatives liées à l'exercice de leur autorité parentale
    • art 372-2 : exercice en commun du droit à l'image de l'enfant par ses parents, dans le respect du droit à la vie privée du mineur et en l'associant aux décisions le concernant à partir du moment où il est capable de discernement
  • art. 373-2-6 CCiv : accorder des pouvoirs supplémentaires au juge aux affaires familiales, qui peut interdire à l'un des parents la diffusion de contenu relatif à l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent
  • art. 4 loi du 19/02/24 : délégation de l'autorité parentale en cas d'usage abusif de l'image du mineur (= "portant gravement atteinte à la dignité et à l'intégrité morale de l'enfant")
  • renforcement des pouvoirs de la CNIL : son président peut, par voie de référé, demander "toute mesure nécessaire à la sauvegarde des droits à l'image de l'enfant"

§2 : le cas du revenge porn

diffusion de contenus érotiques ou pornographiques d'un ancien compagnon, "pas besoin de prouver le motif de vengeance"
"dans ce type de cas, la fixation est souvent consentie"

le délit a été créé par la loi du 7 octobre 2016, venue "protéger les internautes contre eux-même"
en effet : CCass. crim. 16 mars 2016 : n'est pas pénalement réprimé la diffusion sans son accord d'une image réalisée dans un lieu privé avec son consentement
art 226-2-1 : ce qui compte, c'est :

  • la diffusion (porter connaissance à la nature des tiers), quel que soit le moyen
  • la nature sexuelle
Chapitre 2 : droits de propriété intellectuelle
Section 1 : Le droit d'auteur

§1 : la crise du droit d'auteur

A) L'opposition du droit d'auteur et du droit à la culture

ou droit à l'information

CConstit 27 juillet 2006 : le droit de propriété intellectuelle (notamment droit d'auteur et droits voisins) rentrent dans le champ d'application des arts. 2 et 17 DDHC
10 juin 2009 : la protection constitutionnelle du droit de propriété intellectuelle s'applique dans la globalité = pour les droits patrimoniaux ainsi que les droits moraux

"la différence avec le droit des marques, c'est que la propriété intellectuelle existe sans dépôt"
"la seule condition, c'est que ce soit original, que ça porte l'empreinte de votre personnalité"

"on considère que puisque les choses sont accessibles en ligne, elles sont à tout le monde", alors que le droit d'auteur est un monopole d'exploitation
on se pose alors la question de la légitimité du droit d'auteur, "grave crise"

la révolution numérique entraîne une dématérialisation des créations intellectuelles, et donne la possibilité de reproduire et représenter des œuvres gratuitement
confrontation avec le droit d'auteur (monopole) et l'accessibilité de l'information => débat de société

"en matière de musique, vous avez une superposition de droits" : droits de l'interprète, droits du compositeur, système de rémunération (SACEM)

"pour certains", l'appropriation individuelle et exclusive est impossible, parce qu'elle est considérée ("à tort juridiquement") comme ayant pour objet des idées, dont l'usage est par nature commun à tous
"mais le droit d'auteur ne protège pas les idées, on dit qu'elles sont de libre parcours" : "il protège une création matérialisée"

généralisation des licences (SVOD, etc.) : "ça c'est apparu avec le numérique"

B) La dénaturation des conditions de protection du droit d'auteur

deux conditions :

  • il faut qu'on soit en présence d'une création de forme : l'idée doit être matérialisée sur un support perceptible par les sens
  • il faut que la création soit originale : qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de l'auteur ("bien sûr, ce sera à l'appréciation souveraine du juge")

CA Paris 12 mai 2023 : une influenceuse qui reprochait sur le fondement du droit d'auteur (entre autres) à une société de prêt-à-porter de diffuser des photos ressemblant à un cliché la représentant posté dans une story sur ses réseaux sociaux -> ces photos sont fréquentes et ne portent pas l'empreinte de la personnalité de l'auteur, donc pas d'originalité

Ass. plén. 7 mars 1986, arrêt Pachot : droit de propriété intellectuelle sur un logiciel, la Cour n'a pas exigé l'empreinte de la personnalité de l'auteur mais a considéré la marque d'un apport intellectuel
"ça veut dire que le droit d'auteur a évolué sur le numérique"

§2 : l'adaptation du droit d'auteur face aux risques du numérique

"le législateur a souvent des années de retard, c'est notamment le cas de la loi Hadopi"
peer-to-peer : chaque client envoie ou reçoit des données
"le problème c'est qu'Hadopi se concentrait sur le peer-to-peer"
riposte graduée = mécanisme de prévention

Section 2 : Le droit des marques

contrefaçon de marque = user d'une marque sans l'autorisation de son dépositaire

CA Paris 28 juin 2006 Louis Vuitton : condamnation de Google France (publicités renvoyant vers des sites commercialisant des contrefaçons)
TGI Troyes 4 juin 2008 Hermes : condamnation d'eBay pour avoir laissé un utilisateur vendre des contrefaçons

Partie 2 : Le numérique et la reconnaissance de nouveaux droits fondamentaux

Titre 1 : Droit à l'accès à internet

Chapitre 1 : droit à la connexion

CConstit 10 juin 2009 : l'art. 11 DDHC implique la liberté d'accéder à Internet
L115-3 Code de l'action sociale et des familles : aide au maintien à la connexion pour les personnes en grande difficulté financière (en cas de non-paiement des factures)

Chapitre 1 : droit à la déconnexion

Cass 17 février 2014 : le fait de ne pas pouvoir être joint sur son téléphone portable au travail est dépourvu de caractère fautif

droit à la déconnexion = droit pour un salarié à ne pas être connecté à ses outils numériques professionnels matérialisés (ordinateurs, smartphones) en dehors de son temps de travail afin d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale
L2242-17 Code du travail