Tax Wars, la bataille pour la justice fiscale (Dehli et Harel)
Documentaire de Hege Dehli et Xavier Harel, 2024
"On a reconstitué une sorte de système fiscal fait de privilèges, qui ne sont pas sans rappeler les privilèges fiscaux qui pouvaient exister dans l'Ancien régime, en France, ou dans d'autres pays européens à la fin du XIXe siècle. En gros, c'était l'aristocratie et le clergé qui échappaient à l'impôt." [Thomas Piketty]
"Dans les années 1920, la SDN, qui est l'ancêtre de l'ONU, commissionne 4 économistes pour qu'ils écrivent un rapport sur quelle est la meilleure façon de taxer les multinationales pour éviter les risques de double taxation. (...) On a réussi à éviter cette double, triple imposition ; on a tellement bien réussi que dans beaucoup de cas aujourd'hui, on a une non-imposition (...)" [Gabriel Zucman]
(...)
"Aux États-Unis, en moyenne, de 1930 à 1980, le taux supérieur de l'IR appliqué sur les plus hauts revenus atteint 81%. Non seulement ça n'a pas tué le capitalisme étatsunien, on s'en serait rendu compte, mais c'était même la période de prospérité maximale des États-Unis (...) Cette très forte progressivité fiscale observée au milieu du XXe siècle, non seulement elle n'a pas tué la croissance, mais au contraire elle a accompagné ce processus de construction de l'État social qui demande de la justice fiscale." [Piketty]
En 40 ans, le taux moyen d'imposition des bénéfices a été divisé par 2. [45% en 1986, 23,5% en 2020 source OCDE]
Pourtant, les conséquences de la guerre faite aux impôts sont connues depuis longtemps. Dès 1937, le secrétaire au Trésor américain Henry Morgenthau écrivait au président Franklin Roosevelt "Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée. Trop de citoyens veulent la civilisation au rabais".
"Sans impôt, il n'y a pas de société. L'impôt, c'est vraiment la question philosophique, démocratique principale (...) Tous les pays qui ont réussi à se développer, à devenir riches, c'est des pays qui ont réussi à construire des systèmes fiscaux avec des taux de prélèvements obligatoires élevés, avec des ambitions élevées en matière de redistribution" [Zucman]
À propos de la "taxation unitaire", proposition de réforme ("tout simplement une révolution") de la fiscalité internationale, défendue par l'ICRICT ; aussi appelée "Formulary apportionment" :
Une multinationale se comporte comme une seule société. Elle ne dit pas : il y a Google Inde complètement différente de Google Pays-Bas ou de Google Irlande, tout ça, c'est Google. Donc, on devrait taxer l'ensemble comme une seule société. (...) Facebook, par exemple, réalise en Inde 25% de son CA, je crois, mais 2% de ses bénéfices. Alors on lui dit : vous faites ce chiffre d'affaires, vous avez tant de salariés, donc on va vous demander tel pourcentage de vos bénéfices mondiaux. [Jayati Ghosh]
Le plus surprenant, c'est que ce système révolutionnaire existe déjà, mais à l'échelle nationale, aux États-Unis. Les entreprises sont imposées au niveau fédéral, mais aussi au niveau de chaque État ; or, le taux d'imposition varie d'un État à l'autre (...)
"Depuis longtemps, nous avons adopté un système d'imposition sur les bénéfices reposant sur une formule. La formule dit simplement qu'on regarde où sont les travailleurs, où est le capital, où sont les ventes... et ensuite on répartit les bénéfices générés par la société dans son ensemble, en fonction de toutes ces caractéristiques de l'entreprise" [Joseph E. Stiglitz]
"La délocalisation des bénéfices est un phénomène important dans de nombreux secteurs, mais il est extrêmement développé dans les entreprises du numérique, parce qu'elles peuvent fournir leurs services sans avoir besoin présence physique. Elles n'ont pas besoin de bureaux sur place. (...) Et donc, qui va vous taxer ?" [Jayati Ghosh]
Pour sortir de cette impasse, l'Inde, comme de nombreux autres pays, a décidé de taxer le chiffre d'affaire de ces multinationales, en créant par exemple une taxe de 6% sur les revenus publicitaires en Inde de Google ou de Facebook. En représailles, Washington a fortement augmenté ses droits de douane sur de nombreux produits indiens.
À propos d'un "impôt minimum mondial" également défendu par l'ICRICT :
"(...) ça va plus être possible pour des entreprises d'enregistrer des milliards de bénéfices aux Bermudes taxés à 0%." [Zucman]
"L'impôt minimum est une règle pour dire que la concurrence fiscale ne fonctionne pas" [Stiglitz]
le docu mentionne notamment :
D'après Bas : "c'est un leurre total", "l'impôt, c'est la base multipliée par le taux : vous pensez qu'ils vont faire quoi l'Irlande ? ils n'ont qu'à vider la base, ça se fait très bien"