Fiscalité des données
Céline Bas
évaluation :
"très pompeusement : la fiscalité des données en tant que tel, ça n'existe pas"
"quelques États dans le monde se lancent dans la taxation de l'économie numérique, qui n'est pas sans embûches"
"en France, la seule administration la plus avancée en domaine numérique c'est l'administration fiscale, tout le reste est à la traîne, y compris l'administration militaire"
"pour comprendre les problématiques actuelles, il faut bien comprendre comment les systèmes fiscaux se sont construits"
de quels type de données l'administration fiscale a-t-elle accès ?
"cette interconnexion des données, ça ne daterait pas quand même de 25 ans ? ça n'a pas déjà été par hasard à l'origine d'un scandale retentissant ?"
ça ne date pas "de 25 ans", mais elle peut faire allusion à SAFARI (cf. Introduction au droit des données > Ressources)
comment ces données sont ensuite sécurisées ? combien de temps l'admin les conserve ? quelle est la jurisprudence, y compris dans d'autres ordres juridiques (CJUE, CEDH, autres États "qui auraient décidé, au nom de la police fiscale, de révéler le nom de ceux qui n'ont pas bien payé leurs impôts ? Ces contribuables ne se sont pas retrouvés lynchés sur la place publique, au sens propre du terme ?")
J'imagine qu'il s'agit du "name and shame", mais je n'ai pas trouvé de mention de "lynchage au sens propre du terme" lié à cette pratique
mais elle parlait de l'arrêt de la CEDH du 9 mars 2023, LB contre Hongrie
dans quelle mesure ces données sont-elles efficaces ? leur traitement est-il automatisé ?
est-ce que cette automatisation n'est que centralisée à Paris, ou est-ce qu'on arrive à la déconcentrer ?
"je vous ai donné des pistes, on a amorcé la pompe, à vous de travailler là-dessus maintenant"
"j'attends de vous que vous fassiez un effort de présentation, apprenez à justifier le texte, vous êtes en M2"
en quoi le système fiscal français ("mais ça vaut aussi pour les autres") est inadapté pour faire face à cette économie numérique ?
pourquoi la France, comme d'autres pays dans le monde, "se trouve dans une situation fort délicate" ?
"tout le monde a des difficultés, mais y'en a qui en ont plus que d'autres"
ensemble des prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales + autres) perçus dans un État, "c'est la définition classique que je n'aime pas bien, mais que vous allez retrouver dans les bouquins"
"cette définition fait l'impasse sur les aspects organiques" : "il faut garder à l'esprit que comme n'importe quel système juridique, vous avez des institutions chargées de produire du droit, celles chargées de les appliquer, les destinataires de ces règles, et aussi les sanctions"
"on ne peut pas avoir un impôt unique, il n'existe aucun impôt parfait dans le monde, rappelez-vous de Voltaire et de l'homme aux quarante écus"
"évidemment, les États ne se sont pas laissés bercer par cette utopie, même si elle revient régulièrement, comme avec Eugène Schueller" ; "ça n'a jamais fonctionné, tous les États sont conscients du problème que ça pose"
systèmes fiscaux très différents ; on en distingue globalement 3 types
"on a déjà connu le problème au XIXe siècle"
Il a été construit à l'époque de la Révolution française
"vous savez, la noblesse payait l'impôt du sang, le clergé avait le droit d'en prélever, donc tout pesait sur le tiers-état"
"Philippe le Bel ne s'entendait pas bien avec le pape, il n'aurait pas son aval pour ses prélèvements exceptionnels, c'est là qu'il a convoqué les 3 ordres"
"entre ça et la Révolution, on n'a sonné les États généraux que 8 fois pour raisons fiscales"
"donc les révolutionnaires ont complètement supprimé les impôts et les administrations de l'Ancien régime, on a jeté le bébé avec l'eau du bain"
"et on ne va fonctionner qu'avec 3 impôts, l'idée était bonne, fallait essayer d'appréhender le revenu des gens sans bulletin de salaire :"
il fallait des impôts indiciaires, sans pénétrer les propriétés des contribuables : "on ne voulait plus des violences, des exactions commises par l'admin fiscale, on a inventé le mot "exaction" exprès pour les désigner"
le plus juste était de faire des impôts sur la propriété foncière, "c'était la richesse essentielle, la base de l'économie"
"c'était déjà le mythe de la simplification, mais très bien pensé, fallait le leur reconnaître"
mais "comme c'était les citoyens eux-mêmes qui collectaient l'impôt" et qu'il y avait 8 niveaux de division, "il y avait à peu près 75% de déperdition, tout le monde se servait au passage"
"dix ans plus tard, Napoléon a recrée une administration fiscale, les déperditions ont cessé instantanément, mais comme il avait ses velléités expansionnistes, le nombre d'impôts a augmenté"
"et on est resté avec ce système tout au long du XIXe, il a été perfectionné mais on est resté avec ces 3 vieux impôts, plus celui créé sous le Directoire sur les portes et les fenêtres"
"on n'a pas réussi à le faire évoluer : avant 1848, c'était le suffrage censitaire, donc la bourgeoisie industrieuse au Parlement et la noblesse à l'exécutif"
avec la révolution industrielle, les "quatre vieilles" contributions manquaient leur cible
les difficultés de la IIIe République à émerger n'ont pas permis de réforme fiscale majeure
"on discutait depuis 1850 de la création d'un véritable impôt sur le revenu, mais politiquement il était impossible à faire passer"
"le conseil d'État n'avait pas les mains libres pour faire avancer la fiscalité publique, il était occupé à acheter sa légitimité"
à la veille de la première guerre mondiale, "heureusement qu'on était en train de créer l'IR parce que nos vieux impôts, ils rapportaient que dalle"
Les "quatres vieilles" « deviennent obsolètes au XXe siècle car elles sont insensibles à l’activité économique (ce ne sont pas les résultats effectifs qui sont taxés mais un revenu présumé). Ensuite, leur assiette est constituée par la propriété immobilière, et laisse de côté la richesse mobilière née du capitalisme industriel. Enfin, elles ne sont pas justes, leur base n’étant pas réévaluée régulièrement. » (Colliard et Monthalou 2007, cf. Moodle)
premiers pas vers la progressivité en 1900, "il n'y a que 4 tranches, ah ben oui, un petit pas après l'autre"
autre problème : c'était un système de déclaration contrôlée
"le clampin lambda, lui il payait sa contribution foncière, sa quote mobilière (elle avait changé de nom entretemps), mais ces impôts-là, aujourd'hui encore ils ne sont toujours pas déclaratifs"
lorsque l'IR a été créé, il a été construit en deux étages : d'abord en 1914, ensuite en 1918, "c'était plus facile à faire passer, on a commencé avec le proportionnel, puis on est passé au progressif"
"les besoins sociaux étaient bien trop criants, on parlait à peine de service public, il fallait financer tout ça"
"normalement la création de l'IR c'est que de la révision"
on a d'abord créé 6 impôts cédulaires (= indépendants les uns des autres)
"à cette époque, on savait suivre les revenus salariaux, ce n'était plus comme à la Révolution"
capitaux mobiliers : "si vous économisez assez et que vous avez rempli votre livret A et les autres, leurs intérêts sont exonérés d'impôts : à ce moment-là, vous allez devoir placer votre argent ailleurs, et là leurs intérêts sont taxés à l'IR et aux prélèvements sociaux"
bénéfices non commerciaux : travail essentiellement intellectuel, "c'est comme ça qu'on va taxer votre toubib"
"mais pas les dentistes et les ophtalmos, personne n'est dupe"
"il ne manquait que les plus-values, mais c'était dû à la conception de l'époque, où on était sur la notion de fruit et non de produit"
l'IR actuel : on a fusionné les catégories
"la CSG en 1990 c'était 1,1%, aujourd'hui les prélèvement sociaux on en est à 17%"
8 catégories de revenus
5 catégories de revenus professionnels :
aujourd'hui, 193 États membres de l'ONU sur 197 ont une forme, "fut-elle primitive", d'imposition des revenus
la France n'est "toujours pas" le pays qui taxe le plus les revenus, "c'est même plutôt le contraire", "mais vous avez que dans les années 90 l'IR a été complété par ces foutus prélèvements sociaux, CSG, CRDS et petits copains"
"on a retrouvé une certaine cohérence avec les États-Unis", "la différence se situe dans la taxation des autres matières imposables : on n'oublie pas qu'en 1920 la France a inventé la taxe sur les chiffres d'affaires, puis en 1954 la TVA qui est une taxation de la dépense"
"c'est pour ça qu'on est le pays de l'OCDE et de l'UE qui a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé"
« Nous disposons donc bien encore aujourd’hui d’un système de superposition d’impôt sur le revenu. Un IR à base sans doute insuffisamment large (un peu moins de 50 % des contribuables l’acquittent réellement) et à taux progressifs, une CSG à base large mais à tarifs proportionnels (...) sachant que la CSG, bien moins médiatisée que l’IR (...), est d’un rendement sensiblement supérieur (91,5 milliards d’euros en 2014 contre 76 milliards). » (Orsoni 2016, cf. Moodle)
étapes de calcul de l'IR :
avant le prélèvement à la source, on mensualisait : l'État était le trésorier du contribuable
mais depuis le prélèvement à la source, les mensualités n'intègrent plus le crédit d'impôt : il est calculé et versé séparément en février et en juillet ("et encore ils voulaient le supprimer")
Création de l'IS : jusqu'en 1948, on n'était pas capables d'imposer les sociétés pour elles-mêmes : les sociétés payaient leur impôt dans le cadre de l'IR
ça posait problème : on essayait de taxer de la même manière le petit commerçant et la grosse société de capitaux
il a donc fallu faire évoluer la notion de contribuable
Création de la TVA : 1954 (cf. plus haut)
Création de l'IGF en 1981, devenu l'ISF puis l'IFI : "ça c'était de la grosse connerie"
"on a exonéré plein de trucs, y compris les biens professionnels − si vous taxez Dassault, l'idée c'était de ne pas taxer le groupe Dassault −, et quand on vire tout ça de l'assiette, les milliardaires qui restent, ils partent, ou alors ils achètent des châteaux"
"il leur reste les millionnaires, et la plupart sont des millionnaires en biens immobiliers : vous connaissez celle de pépé sur l'île de Ré qui n'avait pas 1000€ par mois et qui était assujetti à l'ISF à cause de sa maison ?"
"vous avez combien de couples en France qui ont acheté un appartement à Paris et qui se retrouvent taxés à l'ISF parce que le prix de l'appartement a grimpé en flèche ?" "du coup vous étiez obligés de vendre votre maison"
"le but était de viser les millionnaires, et au final vous attrapez des monsieur-tout-le-monde qui arrivaient à payer 97% de leur revenu en impôt, donc j'ai tendance à croire que c'est confiscatoire en effet"
"on a une pseudo-limite du Conseil constitutionnel à 80%, vous pensez qu'on va attirer des gens avec des hauts revenus avec ça ?"
"j'attire votre attention sur le fait que l'Allemagne, qui avait un ISF à l'époque, l'avait supprimé en 1995 parce que la cour constitutionnelle allemande a considéré que plus de 50%, c'était contraire à la loi fondamentale ; et c'est ce qui s'est passé dans toute l'UE"
"nous, pour des raisons idéologiques, on en est incapable, c'est fort dommage parce que la Suisse connaît une taxation sur la détention du patrimoine qui rapporte plus qu'en France, eux ne la portent pas en bandoulière, et ce sont des taux bien inférieurs"
"et en 2017, faute de parvenir à le supprimer, on a transformé l'ISF en IFI, et vous verrez dans quelles genres de situations l'idéologie aveugle nous conduit"
IFI = biens et droits immobiliers seulement, pour le reste les valeurs sont inchangées
"c'est un impôt qui rapporte un peu, mais coûte beaucoup : ça touche des contribuables propriétaires, et regardez la hausse des prix de l'immobilier"
"et je vous le dis tout de suite, les placements en monnaie numérique, c'est passé à la trappe"
dernière innovation du XXe siècle : prélèvements sociaux, censés financer en partie la sécurité sociale
la CSG répond à une problématique économique : "1973 et 1978, les deux chocs pétroliers, le prix de l'énergie s'est envolé, dans un pays bien industrialisé la fabrication a coûté plus cher, donc les entreprises vendent moins"
"les personnes au chômage, vous les mettez pas au congélateur, elles vont continuer à vivre, vous allez quand même avoir de la dépense sociale"
"à la création de la sécu en 1945, on n'avait pas le progrès technique, l'intérêt de commercialiser des soins de santé était limité ; évidemment que la donne a changé, d'autant plus que ces fameuses cotisations couvraient aussi les ayants-droits"
"les dépenses étaient donc relativement faibles et modestes, aujourd'hui elles se sont envolées, la recherche scientifique a un coût"
"les recherches sur les maladies orphelines, c'est des investissements monstrueux mais ça ne concerne que 10000 personnes, comment vous allez rentabiliser ça ? ben en faisant des soins à coût exorbitant"
"et en plus vous avez la baisse des cotisations"
"couplez ça avec des politiques mises en place dans les années 90 pour décourager les entreprises à délocaliser, on fait baisser le coût du travail en allégeant les cotisations"
"ah oui dans les années 80 c'était facile d'augmenter la dépense publique, on pouvait monter les impôts de façon exponentielle, on n'avait qu'à tout mettre sur les collectivités, on a appelé ça la délocalisation"
"donc dans les années 90, on a fini par percuter que les Trente Glorieuses étaient finies, donc soit on diminuait les dépenses, soit on agissait sur les recettes"
CSG = impôt proportionnel sur tous les revenus, sans exception : salaires, traitements et soldes, pensions de retraite, indemnités de remplacement (chômage)... "tout le monde est taxé"
"et pour le coup, les gains du loto, il n'y échappent pas"
"on a ouvert la boîte de Pandore" : en 1996, la dette réapparaît et "il a fallu à nouveau l'isoler"
création de la CADES (Caisse d'amortissement de la dette sociale) et du 2e prélèvement social = la CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale), perçue de la même manière que la CSG à un taux de 0,5%
initialement prévu pour 10 ans, "évidemment en 2006 on avait encore de la dette, il a fallu à nouveau isoler", et en 2014 la CRDS est pérennisée
"et je vous la fais courte", on a ajouté un 3e prélèvement : le prélèvement de solidarité
aujourd'hui, le total des contributions sociales représente 17,2%
"et on s'est fait sanctionner par l'UE à plusieurs reprises : les travailleurs européens qui travaillent en France payent des prélèvement sociaux, OK, mais les autres ressortissants de l'UE qui ne travaillent pas en France, on ne peut pas leur appliquer ces prélèvement sociaux, donc exit les prélèvements sur le patrimoine : soit vous travaillez en France, soit vous ne travaillez pas en France, et vous ne pouvez pas payer ces prélèvements même sur les revenus du patrimoine que vous pourriez tirer de France"
"on a ensuite institutionnalisé l'aide aux indigents : ne vous faites aucune illusion, ça a toujours existé, mais maintenant c'est ouvert avec l'AMU, et ça présente quand même un avantage : surveiller le développement de maladies importées, comme la tuberculose"
le système fiscal français est en perpétuelle adaptation
"et la problématique principale de ce cours, c'est bien l'inadaptation aux besoins d'une taxation de cette nouvelle économie du numérique"
"pourquoi est-ce que j'ai pris la peine de vous décrire la situation antérieure ? pour vous montrer comment la fiscalité s'est alourdie"
A) Amplification du phénomène d'optimisation fiscale
"aujourd'hui plus besoin de prendre l'avion avec des valises de billets, c'est fait en un clic"
B) Amplification de la concurrence fiscale entre les États
"vous voyez bien que dans le cadre de l'économie numérique, cette coopération entre États arrive à ses limites : il faut que les États peuvent identifier les revenus, or avec le numérique, les revenus deviennent souterrains"
l'OCDE s'est saisie de cette difficulté : "au début, c'était un problème lié à la mondialisation économique, pas au numérique"
"sauf que y'en a qui ont décidé de se lancer dans la course au moins-disant fiscal, pour attirer les entreprises et se développer" : "vous avez tous les pays de l'Est qui se sont lancés dedans après la chute du bloc de l'URSS, vous vous rappelez du fameux plombier polonais"
"regardez la Roumanie"
"vous avez le problème des voitures, regardez les constructeurs français qui se sont mis à construire au Brésil"
"pourquoi vous croyez que l'Irlande est comme ça aujourd'hui ? c'est une île en haut à gauche, c'est petit, ils ont de la lande et des moutons, vous pouvez pas faire d'industries lourdes avec ça"
"donc ils ont dit : venez chez vous, mettez juste une boîte aux lettres, une secrétaire, et on vous fait un taux d'IS à 11%", "à votre avis, il faut combien de temps à une entreprise pour calculer qu'il faut mettre sa société mère en Irlande, sachant qu'elle n'a même pas besoin de vraies infrastructures ?"
"toutes les conventions internationales qui visent à empêcher la double imposition reposent sur des critères physiques"
"contrairement à ce que vous entendez dans les médias, ces phénomènes ne sont pas nouveaux, il faut comprendre l'origine de ces phénomènes"
l'an dernier, l'OCDE a annoncé s'être mis d'accord sur un taux minimal de 15% : "c'est un leurre total"
"l'impôt, c'est la base multipliée par le taux : vous pensez qu'ils vont faire quoi l'Irlande ? ils n'ont qu'à vider la base, ça se fait très bien"
émergence des objets nouveaux : "la première difficulté, c'est l'apparition du bitcoin", "depuis les problèmes ont fait des petits"
émergence du travail gratuit : "c'est la captation des données personnelles"
"il a bien fallu que l'administration fiscale utilise ces données personnelles"
"pas au XIXe siècle parce que les impôts étaient indiciaires, mais ensuite, il fallait bien contrôler le contribuable pour assurer l'égalité devant l'impôt"
"dans le monde tel qu'on l'est, la réponse ne peut être que mondiale" : "on essaie de travailler sur le taux, mais on n'avance pas sur la base d'imposition"
A. Des difficultés de quantification des opérations imposables
L'imposition des actifs numériques
"avant 2008 et la publication du fameux article de Satoshi Nakamoto, ça n'intéressait personne"
"et la publication s'est déroulée dans l'indifférence générale"
"a priori, en 2024, cette valeur des crypto-actifs représente 2 000 milliards de dollars sur plus de 500 millions de détenteurs"
la question de la taxation s'est donc posée : beaucoup de pays n'ont pas réagi immédiatement, la France a été un des premiers à essayer
toutefois, pour essayer de les taxer, encore faut-il savoir ce qu'ils sont : "je vous ai expliqué que le droit fiscal était un droit de superposition, en d'autres termes soit le législateur crée des notions spécifiques, soit on s'appuie sur des conceptions telles qu'elles sont déjà définies dans le droit français", "on est très loin de la théorie de l'autonomie inventée par un jeune avocat qui n'y comprenait rien"
"au départ c'était simple, on appelait ça des monnaies virtuelles"
si ce sont des monnaies au sens juridique du terme, on connaît le régime fiscal à appliquer : les opérations de change sont exonérées de TVA, et les gains sont soumis à l'IR
"mais vous vous dotez que ça n'a pas été aussi simple" : les monnaies virtuelles ne peuvent pas être qualifiées de monnaie, car elles ne remplissent pas les critères traditionnels (cumulatifs) : le cours forcé, le cours légal et le pouvoir libératoire
2014 : l'admin fiscale propose des solutions pour taxer ces nouveaux objets, "vous voyez le délai, il a fallu 4-5 ans après la publication du papier, quand y'a de l'argent à prendre l'admin est là"
l'admin commence par essayer de définir le bitcoin avant de proposer un régime applicable
première hypothèse : les produits tirés de cette activité, lorsqu'elle est exercée à titre occasionnel, c'est pas des traitements et salaires ni des BIC, etc. donc ils pourraient relever de la catégorie de l'art. 92 du CGI, "la fameuse catégorie-balai" : les BNC
l'admin précise donc que les gains sont imposables dans cette catégorie, quelle que soit l'objet contre lequel les bitcoins sont échangés, mais en se référant à la valeur en euros du bien acquis, "on est bien obligés de faire cette conversion"
"vous vous souvenez des modalités d'imposition des BNC ?" (art. 93 BNC) -> excédent des recettes total (produit brut) / dépenses nécessaires à l'exercice de la profession = résultat fiscal
"donc le type là, qui a eu des premiers revenus de cession de manière ponctuelle, il va augmenter son revenu brut global, puis son revenu net, et c'est ça qui sera ensuite soumis au barème : c'est ça que voulait l'admin fiscale"
"ça veut dire que si vous avez des revenus confortables, même sans rouler sur l'or, vous allez être imposé à 30%, vous n'aurez pas les abattements"
-et si l'activité était exercée à titre habituel : BIC, "c'est la même chanson que pour les BNC, si vous êtes en prestation de service vous tombez à 50%, c'est intéressant sans être intéressant", "et ça vient s'ajouter aux autres revenus dans l'IR, vous savez, c'est le caractère attractif des BIC"
"ce que proposait l'admin fiscale, c'était pas fou, c'était la solution de facilité"
"je viens d'attirer votre attention sur les situations extrêmes mais est-ce que la plupart des contribuables y perdaient ? non, c'était même plutôt l'État qui y perdait"
"ça n'a pas empêché les contestations, essentiellement sur les plus-values de cessions"
"ça ne veut pas dire que l'admin n'avait pas envisagé la taxation à d'autres niveaux"
2e proposition : en plus de la taxation des gains, l'admin a proposé de taxer la détention des bitcoins à l'ISF, et le nombre de bitcoins et leur valeur devait être intégrée à la déclaration annuelle - valeur au 1er janvier de l'année d'imposition
3e proposition de l'admin fiscale : soumettre le don de bitcoins au droit de donation, en évaluant la valeur du bitcoin au jour de l'acte
si la transmission à titre gratuit intervient dans le cadre d'un décès, le bitcoin est soumis aux droits de succession : valeur au jour de la transmission - donc du décès
"ça c'était la position de l'admin en 2014"
"et y'en a qui ont quand meme trouvé à redire (sur les plus-value de cession donc)" : recours en excès de pouvoir, "c'est un contentieux assez atypique en droit fiscal, généralement c'est toujours un recours en plein contentieux"
CE 26 avril 2018 Reicke : n'a pas assimilé le bitcoin comme monnaie au sens classique du terme, mais a quand même annulé une partie : celle assujettissant les PV de cession au BNC pour les particuliers seulement
le CE s'est basé sur la notion de bien : le bitcoin n'est à l'évidence pas un pas un immeuble, ça ne peut donc être qu'un bien meuble incorporel
et on a une catégorie censée accueillir les revenus de la cession des biens meubles : les plus-values mobilières (art. 150 UA CGI)
c'est là-dessus que le CE a aligné la taxation des monnaies numériques, "ça c'est le raisonnement de 2018 mais ça a encore bougé depuis"
conséquences : "comment on calcule les plus-values sur les biens meubles en France ?"
- taux global de 36% = 19% au titre de l'IR + 17,2% au titre des prélèvements sociaux
- "mais il y a des biens qui sont exonérés" : meubles meublants, véhicules automobiles, appareils ménagers, "rien de bien choquant"
- tout le reste est taxé lorsque la plus-value est supérieure à 5000€
"tout en sachant qu'il y avait un abattement de durée de détention de 5% au bout de la 2e, donc exonération totale au bout de 22 ans"
ça signifie que tout le reste de l'instruction ne change pas : la taxation des revenus habituels est toujours au BIC, les gains issus de l'activité de minage relèvent toujours du BNC...
pour la détention, "petit changement" : l'ISF s'étant transformé en IFI entretemps, les bitcoins sortent de l'évaluation du patrimoine au 1er janvier de l'année d'imposition
"on a donc un arrêt qui a porté sur une tête d'épingle : un avantage pour l'État, mais un sacré paquet de problèmes pour le contribuable"
"je vous invite vraiment à lire les conclusion de Romain Victor sur l'arrêt du CE, c'est vraiment bien fichu"
"ce régime-là de PV mobilières, il reste quoi après les exceptions ? les chevaux de course et les bateaux" : il est pensé pour imposer des biens meubles corporels non fongibles, "donc pas forcément liquides"
"résultat des courses, il suffisait pour le détenteur de crypto de diviser ses ventes en lots : s'il voulait vendre pour 30 000€ de crypto, ils divisaient en lots de 4999€ et échappait à toute taxation"
deuxième problème : en cas de cession partielle de bien fongible, il n'y avait aucune règle qui définissait la méthode à retenir pour déterminer les biens qui sont réputés être cédés : "fiscalement parlant, on fait comment pour déterminer quel bitcoin a été vendu ?"
3e problème : impossible d'imputer des moins-values sur des plus-values de même nature
on avait donc 3 régimes différents :
"ce que j'essaie de vous montrer dans ce thème, c'est qu'entre l'arrivée d'un objet nouveau et sa prise en compte, il s'écoule beaucoup de temps"
les monnaies numériques ne trouveront leur solution légale qu'en 2019
"et ça prend du temps parce que le droit fiscal est un droit de superposition, qu'il faut prendre le temps de faire une analyse juridique, donc soit on fait la foire à la saucisse et on taxe à tout va comme sur le budget 2025 qui vient d'être rejeté, soit vous allez en Italie et c'est 0%"
1 mois après Reicke, la directive 2018-843 du 30 mai 2018 définit ainsi les monnaies virtuelles :
"représentations numériques d'une valeur, qui ne sont émises ou garanties ni par une banque centrale, ni par une autorité publique, qui ne sont pas nécessairement liées non plus à une monnaie établie légalement, et qui ne possèdent pas de statut juridique de monnaie ou d'argent, mais qui sont acceptées comme moyen d'échange par des personnes physiques ou morales, et qui peuvent être transférées, stockées et échangées par voie électronique"
"ça a été un petit coup de patte pour la France" :
"les PV sont en voie de cédularisation, ils sont de moins en moins susceptibles d'être taxés au barème"
"pour les RCM c'est une cédularisation partielle"
"oh mon dieu, la fusion entre DGI et DGCP, qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait, ça a donné une paralysie totale de toutes les admin fiscales, le ministre des Finances a sauté en 15 jours, une efficacité remarquable"
Il s'agissait probablement de Christian Sautter en 2000
la loi de finances pour 2022 a complété le régime
(art. 79) : les PV de cession réalisées à partir du 1er janvier 2023 peuvent être soumises au barème progressif de l'IR sur option (irrévocable)
on ne surimpose pas les PV réalisées par les contribuables les plus aisés ("les plus aisés c'est tout relatif, vous avez vu que la catégorie à 30% commence à 2200€ par mois, c'est pas exactement rouler sur l'or") et on allège pour les plus petits revenus
cette LF impose aussi la déclaration de comptes d'actifs numériques ouverts à l'étranger : l'obligation de 2020 ne concernait que les seules personnes physiques, associations et sociétés non commerciales, "c'était quand même un peu compliqué de laisser les sociétés commerciales hors de l'équation"
"vous imaginez qu'une telle obligation serait assortie de fortes sanctions" : (...) valeur doublée si la somme des actifs du compte dépasse 50000€
"le problème des sanctions, c'est que si vous voulez être un minimum crédible, il faut les ajuster : les sanctions fiscales, ce sont des sanctions administratives, pas pénales"
"il y avait deux grandes chapelles : les États qui voulaient créer une fiscalité spécifique, comme les États-Unis, et ceux qui voulaient adapter les existants, comme l'UE ; mais il ne fallait pas entraver le développement du numérique"
"même les États qui refusent de se lancer dans la taxation, ils ne veulent surtout pas entraver le développement du numérique par la fiscalité"
"et quand vous savez que vos petits voisins eux ne taxent pas, vous allez faire quoi ?"
"et il ne faut pas que l'État perde de vue une chose : ces instruments sont décentralisés, si on ne peut pas vérifier dans les États voisins ce qui se passe, votre taxation sera inefficace, il faut une taxation mondiale - et ça ne se présente pas bien, je vous mets au défi d'aller savoir qui détient un compte en Chine"
"il vaut mieux parfois renoncer à une taxation un peu trop lourde pour ne pas faire fuir le contribuable"
ce qui unit une personne à un bien, ce sont des droits
les biens sont régis par le CCiv => une chose, qui a une valeur (toutes les choses ne sont pas des biens ; certaines n'ont pas de valeur marchande)
Problèmes de localisation soulevés par la fiscalité du numérique
Le commerce électronique soulève des difficultés particulières pour 2 impôts : l'IS et la TVA
le point commun reste la question essentielle : quel État va pouvoir encaisser l'impôt ?
"ce qui importe pour l'État, c'est d'avoir les recettes"
"et en principe, ils font ce qu'ils veulent à l'intérieur de leurs frontières politiques et sur leurs propres populations"
"donc, quand ils ont besoin de recettes, ils les font avec quoi ? avec des sous-sous qui tombent du ciel, ou en prélevant des impôts sur sa population ?"
avant la 1ère guerre mondiale, il y avait peu d'échanges internationaux parce que les moyens de transport ne le permettaient pas, "regardez la colonisation de l'Amérique, les gens arrivaient à peine à traverser l'Atlantique et rester en vie", "donc on taxait uniquement des entreprises situées sur notre territoire, on ne se posait généralement pas la question, à part pour les comptoirs des Indes et pétaouchnock mais c'était marginal"
fin XIXe/début XXe siècle, "des personnes qui quittent le territoire national pour s'installer ailleurs, là on commence à avoir un brassage, ça correspond au développement des moyens de transport"
"on impose sur notre territoire, mais avec quelle légitimité ? tant que j'ai 99% de nationaux sur mon territoire, la théorie de l'État souverain suffit à justifier l'imposition"
"mais quand j'ai des étrangers sur mon territoire qui bénéficient des infrastructures payées par mes impôts, il faut trouver un moyen de les imposer, et c'est ça qui a agité la doctrine tout au long du XIXe siècle"
"finalement, c'est la notion de résidence qui l'a emportée" : la société doit résider sur le territoire national, qu'importe sa nationalité, "c'est un critère pragmatique"
"et à l'époque, pour savoir si une industrie se trouvait sur votre territoire, on avait un critère physique" : "est-ce qu'on avait un représentant physique avec un pouvoir de décision"
résident fiscal français = "au XIXe siècle, soit vous habitez en France, soit vous y avez votre boîte", "et n'oubliez pas qu'avant 1948 on taxait tout au BIC"
obligation fiscale illimitée : "moi État souverain, je taxe tous les revenus y compris ceux qui ne sont pas réalisés sur mon sol", "eh oui, les guerres mondiales ça coûte cher"
élargissement de la théorie de la souveraineté : on va chercher la matière imposable sur les territoires différents
"tout ça s'est passé à une époque où toutes les activités commerciales étaient matérielles : pour savoir si vous aviez des échanges de matériel, c'était facile"
double voire triple taxation : une entreprise peut être taxée par son pays de résidence et son pays d'origine sur les mêmes bénéfices, "sa taxation n'a plus de rapport avec sa capacité contributive réelle", "tout ça on s'en est aperçu juste avant la 1ère guerre mondiale"
Cf. Tax Wars, la bataille pour la justice fiscale (Dehli et Harel) :
"Dans les années 1920, la SDN, qui est l'ancêtre de l'ONU, commissionne 4 économistes pour qu'ils écrivent un rapport sur quelle est la meilleure façon de taxer les multinationales pour éviter les risques de double taxation. (...) On a réussi à éviter cette double, triple imposition ; on a tellement bien réussi que dans beaucoup de cas aujourd'hui, on a une non-imposition (...)" [Gabriel Zucman]
"mais à l'époque, quand vous mettez deux États autour de la table, ils sont très marqués par les particularismes nationaux"
"vous pouvez pas faire un traité multilatéral en matière fiscale, il fallait négocier deux à deux, c'et pour ça qu'en matière fiscale on n'a quasiment que des conventions bilatérales"
"là où les choses se sont débloquées, c'est après la 2nde guerre mondiale : les échanges ont continué à se multiplier"
"ça a très bien marché tant qu'on avait une économie traditionnelle : l'entreprise qui fabrique ses vélos, elle n'a aucun souci, globalement on arrive à les tracer"
"le problème c'est quand on a des biens dématérialisés"
dans le cadre des conventions OCDE, on est attaché à la notion d'établissement stable, "ça m'embête de vous la développer tout de suite, je vais vous dire une petite chose auparavant sinon vous allez avoir du mal"
les États ont cherché à aller taxer ailleurs : "pour l'IR, on a fait l'obligation fiscale illimitée ; pour les sociétés, on a fait 2 régimes qui cohabitent encore" :
technique des prix de transfert : "c'est ce que fait Google par exemple", "ça date du 1er choc pétrolier, quand il a fallu répercuter le coût de l'énergie sur les prix des biens"
technique utilisée par General Electric entre ses branches françaises et suisses (décrite dans Tax Wars)
"quand vous vous lancez dans cette course au moins-disant fiscal, vous baissez, vous baissez, vous baissez" : "en Europe on a fait très fort, on a vu que la France a été très performante avec sa TVA, les autres États ont bien vu qu'ils allaient se faire écraser, ils n'ont pas tardé à l'adopter à leur tour"
"pour l'IS c'est différent, car c'est un impôt sur les personnes, par sur les marchandises, ce sur quoi un État est davantage enclin à lâcher : c'est ce qui a fait le nid de cette concurrence fiscale dommageable, à l'échelle mondiale mais d'abord au sein de l'UE ; c'est pour ça que l'Irlande s'est retrouvée avec un IS de 11%"
"ça veut dire que globalement, l'IS a baissé et les États qui ont la TVA (deux-tiers des États dans le monde) ont augmenté leur taux de TVA"
"et en France, c'était les droits d'enregistrement qui ont baissé, petit à petit on a inversé le rôle des impôts"
avec ces deux logiques qui cohabitent en matière d'IS, "on est dans une situation qui est intenable"
"quand vous avez des États qui courent après leurs recettes fiscales, qui se font la guerre, avec l'Irlande à 11% et la France, à l'époque où on était pudiquement à 33 1/3"
"Google France va louer un algorithme très spécifique à Google Irlande, que Google Irlande va lui facturer à prix d'or", "la rémunération de la maison-mère va donc siphonner tous les bénéfices de la filiale" ; "en Irlande il y a des immeubles entiers où ce n'est que des boîtes aux lettres"
peut-on contester les prix de transfert ? "tu parles, ils vont dire que ce sont des biens trop spécifiques, ça bloque l'admin fiscale dans le contrôle du prix d'achat, parce qu'il n'y a pas de biens avec lesquels comparer dans le commerce"
"le problème des prix de transfert est tellement global qu'il fait partie des travaux de l'OCDE"
"y'a l'article 5 du modèle OCDE, mais si les 2 États doivent s'éloigner du critère d'établissement stable, ils le feront"
"et ce n'est pas parce que ces conventions bilatérales sont signées sur la base du modèle OCDE qu'elles respectent ce critère", "vous n'avez pas d'autre choix que de lire ces conventions"
la notion d'établissement stable repose sur 2 critères alternatifs :
il faut compléter avec la fixation d'un nouveau critère : les travaux de l'OCDE ont commencé en s'axant non pas sur le numérique mais sur la lutte contre les prix de transfert (concurrence fiscale, etc.)
les premiers travaux sur le numérique remontent aux années 90 : il ne fallait pas brider le développement du commerce électronique à cette époque
2013 : rapport sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices
l'OCDE et le G20 adoptent sur 3 piliers "ça peut faire sourire aujourd'hui" :
"ce qui a avancé depuis 2015, c'est que l'OCDE a eu l'intelligence d'ouvrir ses travaux à des entités extérieures, notamment les pays en développement"
"l'OCDE a aussi travaillé avec des organisations fiscales régionales" (forum sur l'admin fiscale africaine, cercle de rencontres et d'études des dirigeants des admin fiscales CREDAF, le FMI...), "ça n'a pas été pensé tout de suite, cette ouverture a été appelée le cadre inclusif"
"avec ces critères inopérants, on ne se retrouve plus avec des doubles impositions, mais des absences d'impositions : vous faites une boîte en Turquie, vous mettez votre serveur en Russie, vous vendez en France, on vous impose comment avec ces critères physiques ?"
"et c'est pas le tout de trouver de nouveaux critères, il faut les intégrer aux conventions fiscales bilatérales déjà signées"
"le nouveau critère a été trouvé en 2019 (approche "nexus" = affaires dématérialisées sur le territoire), oui on a fini par arriver à une proposition, mais le chemin est encore long"
B. Des difficultés relatives à l'utilisation et à la gestion des données personnelles
l'admin fiscale a toujours eu besoin d'accéder aux "données" ("mais ça n'avait pas de sens de parler de cette manière, on disait informations") des contribuables -> "système déclaratif, on ne pouvait pas faire autrement"
droit de contrôle : contrepartie de la déclaration, "est-ce que le contribuable a une auréole sur la tête ? non."
droit de communication : droit capital de l'admin qui permet d'exercer ce contrôle + droit de vérification + droit de rectification
s'exerce vis-à-vis du contribuable mais surtout vis-à-vis des tiers (utilisation des données)
secret fiscal : "à l'époque c'était des dossiers papier", "la seule chose à laquelle vous pouviez avoir accès, c'était les impôts locaux que payait votre voisin, une mesure individuelle ce n'est jamais secret"
"mais ce qui se passait entre l'agent et vous, ça restait strictement secret"
des impôts comme la TVA et la CSG ne sont plus établis par voie de rôle, mais cette obligation a été maintenue pour les agents des impôts
"sans impôts, pas d'État, n'ayez aucun doute à ce sujet" : "pensez-vous que l'admin fiscale en serait restée là face à la modernisation ?"
2 grands thèmes se dégagent :
SAFARI : dans les années 1970, l'État est à la recherche de nouvelles sources de recette et se tourne vers l'informatique, "et c'était en très bonne voie lorsque Le Monde a sorti l'information, et l'information a été calamiteuse"
le rapport Tricot de 1975 fait 6 recommandations
"et quand on a fait le prélèvement à la source, ça y est l'employeur pouvait voir vos revenus, ceux de votre conjoint, et refuser de vous augmenter, mais ça n'a effleuré l'esprit de personne, la seule chose qui intéresse les Français c'est ne pas se préoccuper des impôts à payer"
"il y a des changements sociétaux, il faut en avoir conscience"
"l'abus de droit c'était le marteau-pilon de l'administration fiscale, entre 1948 et 1980 la pénalité c'était 200% de l'impôt éludé", "vous avez un super film des années 80 qui montre bien ça"
"donc l'administration dans son ensemble et l'admin fiscale était mal perçue, c'était on paye d'abord et on discute ensuite"
"l'étau a commencé à se desserrer dans les années 80, notamment avec le rapport de la commission Aicardy et la loi éponyme"
"faut imaginer que le taux d'IS, c'était 50%, et le taux marginal d'IR montait jusqu'à 70%"
"pensez aussi à la transformation et l'augmentation de la fiscalité locale, avec la déliaison des taux avec la décentralisation", "vous comprenez pourquoi les gens en avaient ras-le-bol de l'admin"
"la LIL de 1978 a signé l'arrêt de mort du développement de l'informatique dans l'admin fiscale"
"et c'est resté en l'état jusqu'en 1999 : on avait un vrai problème d'efficacité de l'action admin, il fallait réformer l'admin fiscale, comment moderniser ses outils ?"
entre 1994 et 1998 : interconnexion des fichiers fiscaux et sociaux, "c'était bien mais extrêmement difficile à exploiter", "aujourd'hui on présente l'admin fiscale comme à la pointe sur le numérique, mais il n'a pas toujours été ainsi"
pourquoi ? "on s'est aperçu que la DGI n'était absolument pas en capacité de traiter ces informations-là, informatiquement parlant"
"un ministre un peu courageux à l'époque a osé parler de la restructuration des admins fiscales, il avait pour projet de les fusionner, il a juste réussi à mettre tous les fonctionnaires financiers dans la rue"
"l'argument des grévistes, c'est que ça portait atteinte à la séparation entre l'ordonnateur et le comptable"
débuts de la dématérialisation en 2004 pour les très grosses entreprises (télédéclaration)
puis on a dématérialisé le paiement aux impôts
en parallèle, développement de l'accès automatique (sans l'autorisation du juge) à plusieurs types de fichiers, "donc là on va dire qu'on est dans la période moderne" :
Ciblage de la Fraude et Valorisation des Requêtes (CFVR) : "ça s'est pérennisé en 2019, en même temps que le chalutage des réseaux sociaux"
"je ne veux contrarier personne mais l'admin fiscale a toujours fait du profilage", "si vous aviez une entreprise d'import-export, vous étiez systématiquement déficitaire en matière de TVA, c'est pas un passe-droit, c'est la logique dans tous les États qui appliquent la TVA"
les durées de conservation (3, 6 et 10 ans) correspondent aux durées de prescription pour l'admin fiscale