Révélations Snowden, 10 ans après (CPU Carré Petit Utile)

Émission radio (première partie, deuxième partie, troisième partie) (juin 2023)

Oui, ces documents révélés par Edward Snowden ont eu un retentissement mondial. Une semaine après, à Bruxelles, une commission paritaire européenne discute d'amendements au projet de directive (sic) RGPD. On voit notamment les représentants du groupe parlementaire PPE, qui représente les partis de droite, avec devant eux une pile d'un mètre de papier, leurs amendements. Et la scène qui suit a été immortalisée dans le documentaire « Democracy, la ruée vers les data » : Le représentant du PPE dit au rapporteur "Vous voyez cette pile ? Oubliez-la." Et il la pousse vers la poubelle.

- Da Scritch

Rétrospectivement, je trouve qu'"Ennemi d'État" a fait partie de ces films qui ont pourri complètement la scène, pourri le débat, en laissant croire que la NSA c'est plus fort que toi, en laissant croire qu'ils ont capables de faire n'importe quoi n'importe comment, ce que Snowden ensuite a essayé de laisser croire, et ce que tout le monde a cru. Mais je pense que tout le monde l'a d'autant plus cru que le terrain a été préparé par des films comme "Ennemi d'État" qui laissaient entendre qu'ils font ce qu'ils veulent.

- Jean-Marc Manach

Da Scritch : Est-ce que la surveillance globale est viable actuellement ?
Manach : Ça dépend de ce que t'appelles surveillance globale. Si tu parles de la surveillance de masse de la NSA telle que Snowden et Glenn Greenwald l'ont laissé entendre, non, pour deux raisons : la première, c'est qu'avant les révélations Snowden, ça fonctionnait pas. Je suis le seul journaliste en France à avoir fait un article sur la seule personne qui est en prison à l'heure actuelle aux États-Unis parce que ses métadonnées ont été chopées par la NSA (...), il s'appelle Basaaly Moalin, je sais même pas si t'as déjà entendu parler de son nom.

La chose que j'ai ratée complètement à l'époque, que j'ai mis 3 ans à découvrir, c'est que PRISM c'est un des plus gros fails médiatiques de ces 10 dernières années. PRISM, donc, c'est une slide où on voit les logos de Google, Microsoft, Skype, Apple, enfin tous les GAFAM, avec un des logos de la NSA. Et donc, Greenwald a écrit que c'est la preuve que les GAFAM donnent un accès direct à leurs serveurs à la NSA. (...) Il a fallu attendre un peu plus d'un an pour qu'on commence à avoir d'autres extraits du document (...), parce qu'au début Greenwald il n'avait sorti que 3-4 extraits du documents, mais c'était des extraits caviardés, et c'était pas exhaustif, d'un document qui n'avait pas vocation à être rendu public. (...) Greenwald lui n'a jamais amendé son article, alors que c'est complètement faux : il n'y a jamais eu d'accès direct open bar aux serveurs des GAFAM, et PRISM, ce n'est pas de la surveillance de masse. Là où il y a eu de la surveillance de masse, c'était les premières révélations Snowden, à savoir la surveillance des métadonnées des opérateurs télécom américains à l'international (...) et là où il y a vraiment de la surveillance de masse au sens où Snowden l'a popularisé, c'est au Yémen, c'est en Irak, c'est en Afghanistan, c'est là où l'armée américaine est en guerre et où là, effectivement ils vont essayer de surveiller l'intégralité des télécommunications (...) Mais y'a pas de surveillance de masse de l'intégralité de tous les internautes dans l'intégralité de tous les pays. C'est juste complètement invraisemblable (...).

Il y a une grosse différence entre être capable d'espionner n'importe qui et surveiller tout le monde.

On n'aurait probablement pas eu le RGPD tel qu'on l'a aujourd'hui si Snowden n'était pas arrivé. Donc, autant je suis très critique vis-à-vis de Snowden quant à la façon qu'il a eu de laisser croire qu'il y avait de la surveillance de masse, autant je le remercie d'avoir contribué à considérablement augmenter le niveau de cybersécurité et les efforts, les moyens humains, financiers et techniques qui ont été dévolus à la cyber depuis ces révélations.

Da Scritch : Jean-Marc, as-tu lu l'autobiographie d'Edward Snowden, "Mémoires vives" ?
Manach : Non. (...) De même que je n'ai pas lu le film d'Oliver Stone, sous-titré en France "Nous sommes tous sur écoute", ben non justement, c'est pas de la surveillance de masse, ce qu'a montré les révélations de Snowden, ben non, nous ne sommes pas tous sur écoute, donc j'ai pas voulu non plus le voir parce que ça m'énerve, et que j'ai autre chose à faire de mon temps libre.

Ce qu'il a laissé croire sur la surveillance de masse, aujourd'hui personne ne le conteste à part moi et Peter Koop, je veux dire, t'en connais d'autres qui remettent en question le narratif de Snowden ? (...) Ben voilà, donc on est deux, si tu veux. OK. Deux. C'est quoi notre force de frappe ? (...) Moi j'ai jamais vu un documentaire américain ou international qui va interviewer Peter Koop. Y'a jamais personne, aucun documentaire n'est venu m'interviewer non plus, moi, sur tous les fact-checks que j'ai pu faire sur les révélations Snowden. Les fact-checks que j'ai faits, ceux de Peter Koop non plus, n'ont jamais été repris dans les médias, quels qu'ils soient. On crie dans le désert. Et pourtant, personne ne conteste ce qu'on a écrit. (...) Et c'est pour ça que moi je vis en fake news depuis 2013.