Séminaire - La justice algorithmique (Bordère)
Analyse comparée (France/Québec) d'un phénomène doctrinal
Camille Bordère, 7 février 2025
"ce que j'appelle la justice algorithmique, c'est 2 grandes catégories d'outils" :
seules 0,3% des décisions rendues par toutes les décisions judiciaires étaient accessibles en ligne sur Légifrance, "vous avez compris que l'open data c'est une révolution", "on pourra voir toutes les décisions de première instance"
"mais c'est sur ce renversement de logique que misent les entreprises de justice prédictive : elles ont besoin de ces données pour fonctionner"
algorithmes d'apprentissage automatique supervisé : apprendre à réaliser une tache déterminée
ici, c'est correctement identifier certaines informations au sein des décisions : âge de la victime, etc.
"et ensuite on fait reproduire, jusqu’à ce que les réponses soient satisfaisantes, et enfin on fait commercialiser"
mais ces données ne sont pas encore disponibles en quantités insuffisantes, "et c'est le centre Max Weber de Lyon qui a relevé que ces solutions n'étaient pas encore assez fiables", "les seuls bons résultats c'est pour des informations très formalisées, comme une date de mariage, mais pour les données moins précises c'était une catastrophe, comme le montant des prestations compensatoires"
"mais en réalité, la justice algorithmique n'est que la moitié de ma thèse" : "au lieu de m'intéresser directement au dispositif, je me suis intéressé au discours"
pourquoi toutes ces autrices et tous ces auteurs ont écrit des choses similaires sur le sujet ?
"avant, je vais vous parler de ma méthode" : "comment étudier ce que dit la doctrine ?"
analyse de discours : "ça tombe bien, je suis fervente défenseure du bricolage méthodologique"
analyse mixte quantitative et qualitative : rendre utilisable un corpus de 486 écrits
"une majorité relative d'avocats, mais une minorité forte de magistrats"
"mais rien de tout ceci n'a de sens à proprement parler, toutes ces statistiques ne parlent pas d'elles-mêmes, ce n'est pas le résultat de ma thèse mais un socle qui permet de dégager des hypothèses d'analyse du discours"
"le droit français, ça veut dire : le droit français comme un ensemble de normes, comme un système juridique civiliste (par opposition à la common law), et comme une manière de se saisir du droit français dans ces 2 premières définitions"
"donc, l'incompatibilité de la justice algo serait à l'égard de ces 3 définitions"
"c'est la partie d'analyse qualitative de ma thèse"
"et pourquoi comparer avec le droit québécois ?"
dans tous les cas où les outils de justice algo seraient jugés incompatibles avec le droit français et pas avec le droit québécois, "j'avais 2 possibilités" :
"la plupart des auteurs au Québec ont un discours très technique, et pour cause, ils développent eux-même des techniques de justice algorithmique"
"quand j'ai croisé des chercheurs à Montréal, je leur ai posé à tous la même question : est-ce que ces outils vous font peur sur un plan systémique ? et la réponse que j'ai eue à tous les coups c'était un très long silence"
les outils de justice algo rendent accessible ce qui ne l'était pas jusqu'à présent, en supposant que ces informations de droit souterrain soient utiles au praticien
factualisation du droit : "il s'agit de pointer du droit un accroissement des données de fait, mais surtout d'un accroissement de la place des données de fait dans notre façon de penser"
"qu'on s'entend bien, je ne pense pas qu'on est en train de vivre une révolution"
"j'ai fait une étude de discours, pas de long discours"
"les Québécois écrivent beaucoup moins que les Français"
"leurs juges étaient sous Windows Millenium au moment du Covid", "leur discours est donc très dépassionné, très pragmatique au sens philosophique du terme"