Propriété intellectuelle, base de données, logiciels, réseaux

Agnès Maffre-Bauge

"l'objectif de ce cours, c'est que dans votre pratique professionnelle future, vous ayez les bons déclics : une fois que vous reconnaissez le bon problème, on le règle"

Introduction

"ça peut être bon de commencer par se demander si on ne peut pas protéger autrement que par la propriété intellectuelle" : "est-ce que je ne pourrais pas recommander d'autres dispositifs à mon employeur ? il y a une stratégie à avoir"

exemples de ce qui est protégeable par la PI :

  • l'invention ("l'invention c'est l'objet de la protection, le brevet c'est le titre")
  • "l'intérêt commercial" -> "on verra que c'est un peu flou"
  • un livre, "ou plutôt ce qui est à l'intérieur du livre"

ce droit confère un monopole d'ordre privé à une personne (physique ou morale) qui lui permet d'être la seule à utiliser cette création
ce qui lui permet donc de l'exploiter, d'en retirer des bénéfices
"et du coup d'écarter autrui, c'est au sens propre une exclusivité, on a l'idée d'exclure" (action en contrefaçon)

"un des piliers de notre droit et de notre économie, c'est la liberté de commerce et de l'industrie, qui induit la libre concurrence"
"les monopoles sont donc une exception à ce principe de liberté, au fondement de notre système juridique et du droit de l'Union européenne" -> pourquoi ces exceptions ?
la PI est supposée avoir une vertu : elle serait incitative, "elle incite à l'innovation, qui permet le progrès intellectuel et économique" ("pourquoi vous inventez un médicament ? pour soigner, mais pas que")
mais parce que la PI est une exception, "cette exception ne peut pas durer pour l'éternité", "on veut bien donner un monopole, mais point trop n'en faut"
→ les droits de PI sont limités dans le temps, "cette durée doit permettre le retour sur investissement, mais ensuite c'est le public qui doit récupérer tous les droits sur la création"

la PI est-elle un système nécessairement vertueux, qui ne présente que des avantages ?
"il y en a d'autres, mais un inconvénient, c'est de voir sa création tomber dans le domaine public"
exemple du Boléro de Ravel : les ayant-droits ont tenté de revendiquer une "co-création" entre plusieurs créateurs, afin de faire courir le délai de 70 ans à la mort du dernier créateur survivant ("le TJ de Paris n'a pas accepté ce raisonnement, on attend l'appel")

"la contrepartie de la protection par budget, c'est sa publication : vous avez l'obligation de décrire votre invention"
"si le Coca-Cola avait été protégé par un brevet, tout le monde saurait aujourd'hui comment faire du Coca, mais les créateurs ont choisi le secret ; ça les a conduit à exclure la propriété intellectuelle comme mode de protection"
→ "ici, le mode de protection choisi, c'est le contrat" (clause de confidentialité, de non-concurrence, éventuellement clause pénale), "il y a une vraie stratégie à avoir"

plus récemment, secret d'affaires : régime juridique né d'une loi du 30 juillet 2018 et inscrit aux articles L151-1 et suivants du Code de commerce
lutter contre la cybercriminalité et la fuite d'informations, "pas seulement les créations, c'est ça l'intérêt du secret d'affaires : ça peut protéger des choses qui ne seraient pas protégées par la PI"
conditions : renseignement ayant une valeur commerciale liée à son caractère confidentiel (c'est parce qu'elle est confidentielle qu'elle a une valeur commerciale), connu d'un groupe limité de personnes ("ça il faut vraiment le démontrer") qui confère un avantage concurrentiel
exemples : procédés de fabrication, données liées à des essais (par ex. pharmaceutiques), dessins et représentations graphiques de programmes d'ordinateur, formules mathématiques ("autrement dit des algorithmes")
le titulaire de ce droit au secret d'affaires peut faire sanctionner la divulgation, l'utilisation, l'acquisition de ce type de renseignements, dès lors qu'il n'aurait pas autorisé cette divulgation, utilisation, acquisition
sont visés l'espionnage industriel et commercial, les divulgations suite à la rupture d'un contrat...
si il y a divulgation non autorisée, le titulaire agit en responsabilité : contrairement à la PI, il n'y a pas de droit privatif sur les renseignements
"oui les dommages/intérêts peuvent être lourds, mais compensent-ils le préjudice lié à la divulgation ? le mal est fait", "c'est pour ça que je parle de stratégie"

ces modes de protection (PI, contrat, secret des affaires) sont aussi appelés modes de réservation

fait (action ou abstention) -> faute -> préjudice -> réparation par versement de dommages/intérêts
"pour comprendre ce que peut être ce fait, il faut remonter au principe : la liberté de commerce et d'industrie"
"la faute peut être la déloyauté : la liberté ne doit pas être utilisée de façon déloyale" (ex. concurrence déloyale envers un ancien employeur, en l'absence de clause de non-concurrence => la liberté existe mais c'est un usage déloyal)

les idées sont de libre parcours : "quand même, c'est un peu facile pour celui qui la réutilise, il sait comment rendre ça rentable"
autrement dit, le second s'inscrit dans le sillage économique du premier : "il vit aux dépends d'autrui" => c'est du parasitisme économique

la PI confère au titulaire un double pouvoir juridique :

  • celui d'exploiter l'œuvre, seul ou sur autorisation (moyennant des redevances) = pouvoir de maîtrise, le titulaire sera seul à percevoir les bénéfices
  • celui d'exclure autrui, au besoin avec une action en contrefaçon
    ce sont des prérogatives juridiques exorbitantes au droit commun : on neutralise le principe de liberté pour lui conférer un monopole
    mais il y a des contraintes :
  • la contrepartie de ce droit, c'est de diffuser ce qui est protégé, particulièrement les inventions
  • "mais il y en a d'autres" :
    • contrainte de coût, dans le domaine industriel : "demander un brevet, ça coûte de l'argent, et ensuite il y a des redevances à payer"
    • conditions de fond "toujours", de forme "parfois"
      par ex. pour être une invention, il faut correspondre aux critères du Code de la propriété intellectuelle

un droit pour qui (titularisation) ? un droit pour quoi faire ?
"ce sont les grandes questions qu'on se pose toujours en matière de propriété intellectuelle"

"en réalité, la PI est beaucoup plus touffue que les brevets"
elle se distingue en deux grandes branches :

  • la propriété littéraire et artistique (PLA), avec
    • le droit d'auteur, qui protège les œuvres de l'esprit (L111-1 et suivants CPI)
      "pour savoir si on peut protéger un algorithme, on va donc se demander si l'algorithme est une œuvre de l'esprit"
    • les droits voisins :
      • droit des producteurs de bases de données
      • droit des artistes-interprètes, "on en parlera moins mais je tiens à le signaler"
  • la propriété industrielle (PI), avec une condition de forme : le dépôt préalable
    - droit des brevets (L611-1 et suiv. CPI)
    - droit des marques (L711-1 et suiv. CPI : 10 ans renouvelables)
    "c'est un droit mille-feuilles" : le même objet peut être protégé par plusieurs droits

"et il y a une branche à cheval sur les deux" : le droit des dessins et modèles, qui peut protéger une partie d'un objet industriel (ex. une pièce de carrosserie), "on ne verra pas ça ensemble" ; "c'est sur la PLA qu'on mettra l'accent, car ce sont les problématiques que vous rencontrerez dans votre vie professionnelle"

Partie 1 : la PLA

Sous-partie 1 : règles générales de droit d'auteur

"je vous fais grâce des introductions historiques, des sources du droit d'auteur"
"on va reprendre directement le triptyque : sur quoi le droit d'auteur porte, à qui est-il attribué, et qu'est-ce qu'il permet de faire"

Chapitre 1 : un droit sur quoi ?

Quel est l'objet du droit d'auteur ? Que protège le droit d'auteur ?
par ex. un projet de recherche est-il protégeable par le droit d'auteur ? Une cartographie de mobilités ? Un logiciel ? Une bouteille de champagne ?

"il faut décliner les règles, car si vous ne les respectez pas, vous et votre entreprise êtes potentiellement contrefacteurs" -> délimiter le champ de la protection par droit d'auteur, pour savoir si l'usage de l'objet est libre ou pas
"et encore, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de protection par le droit d'auteur que l'utilisation est parfaitement libre, c'est juste qu'elle est davantage libre"

2 types de conditions à envisager : soit de fond (caractéristiques inhérentes), soit de forme (démarches à entreprendre)

Section 1 : les conditions de fond

il y a des éléments absolument nécessaires, mais aussi des éléments qui sont indifférents = le juge ne doit pas les prendre en considération

§1 : les éléments nécessaires

Pour qu'une création soit objet de DA, il faut 3 éléments :

  • une création
  • une forme
  • une originalité (au sens du DA)
    Ces conditions sont cumulatives

1) Création

il faut que l'objet procède d'une activité créative = il ne faut pas que cet objet ait été trouvé, soit le fruit du hasard, soit quelque chose qui existe en tant que tel
par ex. une information brute, une connaissance brute, n'est pas une création

  • "ça je vous demande de bien le mémoriser" : une donnée (de cartographie par exemple) n'est pas protégeable par le droit d'auteur ("ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas protégeable par autre chose")
  • "découvrir n'est pas créer" : la simple révélation n'est pas une création, c'est une découverte (CA Nîmes 2001, affaire de la grotte Chauvet)
  • travail scientifique, procédé d'élaboration, méthode, technique, savoir-faire -> ne confèrent pas de DA, qui protège le résultat et non le processus pour arriver à ce résultat
  • la mise en cohérence, le travail sur les données ne confère pas de DA (Cass. civ. 2 mai 1989 : les organigrammes ne sont pas protégeables sans démontrer d'originalité)

2) Exigence d'une création de forme

A. Principe et illustration

les idées sont de libre parcours : principe très ancien, qu'on retrouve dans la doctrine ("par essence et par destination de libre parcours")

  • par essence = la représentation de quelque chose dans l'esprit (= l'idée) n'est pas appropriable car impossible à protéger
  • par destination = si tant est que la protection soit possible, elle est inopportune ; les idées appartiennent à un fonds commun de la création, la protection en amont empêcherait ses multiples formulations en aval et donnerait une exclusivité à celui qui a formulé l'idée

L112-1 CPI : "les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit (...) qu'elles qu'en soit la forme d'expression" -> il faut donc une forme, peu importe la forme

Cass. 29 novembre 1960 : procès en contrefaçon suite à l'édition d'un ouvrage dans lequel était présenté une méthode d'apprentissage du solfège, "où les notes étaient des petits personnages aisément reconnaissables par des enfants" => ce n'est qu'une idée et non une forme, donc pas de DA

peu importe le degré d'achèvement -> l'œuvre protégeable peut ne pas être achevée, une esquisse ou un brouillon peuvent tout à fait être protégées

mais même sans droit d'auteur, il peut y avoir une réutilisation fautive d'une méthode par concurrence déloyale : "aujourd'hui, ce n'est peut-être pas cette solution qui serait reconnue, on invoquerait le parasitisme économique"

3) Condition d'originalité

Condition essentielle de la protection par droit d'auteur, qui n'est pas expressément posée par le CPI, si ce n'est peut-être par l'art. L112-4 ("le titre d'une œuvre, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'œuvre elle-même")

arrêt Eva Maria Painer du 1er décembre 2011 : les portraits sont-ils protégeables par droit d'auteur ?
la CJUE répond en application de la directive photographie de 1993 -> susceptible d'être protégeable à condition qu'elle soit une création intellectuelle de l'auteur reflétant la personnalité de ce dernier et se manifestant par des choix libres et créatifs

"allez reconnaître la personnalité de l'auteur dans une création de forme qui n'est pas une création artistique"
ex. du logiciel : aux USA on n'applique pas le droit des brevets mais le copyright, qui n'est pas tout à fait identique au droit d'auteur, mais beaucoup plus influencé par les impératifs économiques
en France, avant 1986 : vide légal quant à la protection des logiciels
puis, litige dans l'entreprise Babola, qui embauche un dénommé Pachot comme comptable, lequel conçoit un logiciel avant d'être licencié : il se prévaloit de droits d'auteur sur ce logiciel, l'entreprise conteste au motif que le logiciel n'est pas protégeable
"c'est juste impossible de voir la personnalité de l'auteur dans une série de 0 et de 1", mais on peut la déceler dans d'autres aspects du logiciel : CCass. plénière, 7 mars 1986
l'originalité devait s'entendre non pas tant comme l'expression de la personnalité de l'auteur, mais comme "la marque de l'apport intellectuel de l'auteur"
"c'est un peu plus quantifiable, alors que l'empreinte de la personnalité est peut-être plus subjective, mais il faut faire attention, ce n'est pas du mérite, car le mérite n'est pas pris en considération"

le CPI évoque le caractère protégeable de certaines créations de forme que sont les anthologies (= regroupement d'œuvres), les traductions, les recueils de données
-> puisqu'il y a plusieurs façon de traduire, de regrouper des ouvres, etc., il y a donc choix
d'après le CPI, l'originalité se déduit des choix qui sont faits
l'arrêt Eva Maria Painer dit à peu près la même chose ("choix libres et créatifs")

avez-vous obéi à une "logique automatique et contraignante" ? si oui, il n'y a pas création, donc pas de DA
si en revanche, il existe une marge de liberté qui conduit à faire des choix libres et créatifs, vous avez fait un apport

résultat de la recherche : pas protégeable par le droit d'auteur, sauf si c'est une forme

§2 : les éléments indifférents

"ça pourrait être des critères de protection mais ça n'en est pas" : le juge ne doit pas les prendre en considération, la loi les écarte expressément ("ou pas d'ailleurs")

L112-1 CPI : le genre, la forme, le mérite ou la destination (ce pour quoi elle a été créée) de la création

  • "un jeu vidéo peut tout à fait être protégé par le droit d'auteur, puisqu'on ne distingue pas selon le genre" : on ne veut pas faire du juge un censeur
    mais pourrait-on exclure certaines catégories d'œuvre ?
    apologie de la haine raciale, propos discriminatoires : le caractère illicite de l'écrit n'exclut pas la protection par le droit d'auteur
  • la forme peut être écrite, orale, plastique, musicale
    dans l'article L112-2, il n'y a de listé que des exemples perceptibles par l'ouïe ou la vue, ce qui a fait dire à certains que les formes perceptibles par d'autres sens ne sont pas protégeables
    le débat se pose pour les parfums, "qui ont un gros problème de contrefaçon" : par le passé, les industriels du parfum ne s'intéressaient pas au droit d'auteur
    "mais ils se sont dits que finalement, c'était pas mal d’être propriétaire d'un parfum" -> après plusieurs contentieux, opposition entre les juges du fond qui n'y sont pas hostiles et la CCass qui considère impossible d'identifier un parfum avec certitude (10 décembre 2013)
    "le droit d'auteur ne protège les créations dans leur forme sensible qu'autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication"
  • pour le mérite, règle très ancienne, posée par une loi du 11 mars 1902 : quelle que soit sa valeur, quels que soient les efforts de l'auteur, etc.
    règle régulièrement réaffirmée par la jpd : Cass. crim. 13 février 1969, est cassé l'arrêt d'une CA qui avait refusé la protection d'une création au motif de la "banalité" ou de l'"indigence"
    pourquoi cette règle ? "un impératif de sécurité juridique tout d'abord", et aussi le souci de ne pas faire du juge un expert artistique
    "en réalité, l'appréciation du mérite est parfois sous-jacente sous couvert de caractériser l'originalité" : les références au "talent de l'auteur" ou à "l'absence de banalité" sont "malheureusement fréquentes"
    que penser de cette jpd ? selon certains auteurs, ce n'est pas forcément problématique quand ça permet de reconnaître une œuvre comme originale
    mais ça le devient lorsque le juge rejette la protection au motif de manque de mérite
    "je vous avoue que je suis un tout petit peu gênée par cette façon de raisonner"
  • destination : peu importe que l'œuvre poursuive un but esthétique ou pas
exercices
  • méthode de coaching sportif par vidéo : la méthode n'est pas protégeable, la vidéo si
  • concours ("décerner des prix aux meilleurs projets tutorés") : ce n'est qu'une idée, donc non protégeable
  • objets divers (boîte d'emballage d'œufs, panier à salade, présentoir de produits cosmétiques, logiciel, rapport de stage...) = protégeables, sous condition d'originalité, etc.
  • organigramme "basique" : arrêt du 2 mai 1989
  • photo d'identité : "aujourd'hui c'est quand même très standardisé"
  • une BD qui s'appelle "Petit bréviaire des gestes barrières pour éviter le coronavirus"
    • le titre n'est pas protégeable (pas original)
    • le contenu de l'ouvrage : "tout dépend"
    • l'éditeur n'a pas procédé au dépôt légal : sanction pénale pour l'éditeur, mais l'œuvre reste protégeable (cf. ci-dessous)
Section 2 : les conditions de forme
§1 : le principe

L111-1 CPI : "du seul fait de sa création"
il suffit de créer pour qu'on ait un droit d'auteur, et ce principe vaut pour toute création même inachevée
"clairement, le droit d'auteur est plus facile à mettre en œuvre que le droit des brevets, qui lui a des formalités"

§2 : les atténuations au principe
  1. dépôt légal

obligation qui pèse sur tout éditeur, tout imprimeur, tout importateur, tout producteur, de déposer un document qu'il édite, qu'il imprime, qu'il produit ou qu'il importe auprès de l'organisme qui est habilité à le recevoir en fonction de la nature du document
cette obligation s'applique à tout document qui est diffusé en nombre à du public qui va au-delà du cercle de famille

L131-1 et suivants du Code du patrimoine
touche différents objets : écrits (Bibliothèque nationale de France), films...

ce dépôt légal a peu à voir avec le droit d'auteur : il est conçu comme un moyen d'assurer la mémoire ou le recensement du patrimoine culturel diffusé sur le territoire national
autrement dit, ce n'est pas une condition pour obtenir un droit d'auteur

  1. intérêt probatoire des formalités de dépôt

parfois peut se poser un problème de chronologie, ou de preuve de la création
le dépôt légal, ou le dépôt volontaire (comme auprès d'une société de gestion collective des droits d'auteur) peut servir à montrer qui et quand une œuvre a été créée : c'est un indice
"ça me paraît être un tempérament à la règle selon laquelle il n'y a pas de formalité"

Chapitre 2 : un droit pour qui ?

"on va voir les questions de titularité, ça c'est une question fondamentale"

Section 1 : création unique

L111-1 : il y a un lien entre la création, l'auteur, et le droit exclusif à tous
le droit va poser une présomption : il va déduire ce que l'on ne sait pas de ce que l'on sait
la présomption peut être soit légale (prévue par la loi), soit factuelle (déduite par le juge depuis une série d'indices)

L113-1 CPI : l'auteur est celui "sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée", "sauf preuve contraire" => "c'est une présomption simple, réfragable"

avoir le support d'une œuvre fait-il de vous un auteur ? "non, ça ne fait pas de vous son créateur"
"le fait de fournir des idées ne fait pas non plus de vous un créateur"
exécuter sans aucune marge de liberté : pas créateur
ne peuvent donc être auteurs que des personnes physiques, car il faut être créateur pour être auteur -> en principe, les personnes morales ne peuvent pas créer, une entreprise ne peut pas être investie d'un droit d'auteur ab initio (sauf dans un cas précis "qu'on examinera plus tard")
"il faut distinguer la qualité d'auteur et celle de titulaire de droits d'auteur, un titulaire n'est pas forcément l'auteur"

œuvre collective : "c'est ce que j'appelle le vilain petit canard de la PLA", "c'est une œuvre anachronique"
"comment on répartit les droits ?"
collective = créée par plusieurs personnes, mais pour laquelle les règles de titularité sont différentes, car dès le départ (= ab initio), le titulaire est le promoteur de l'œuvre collective ; celui qui en a pris l'initiative
et il peut s'agir d'une personne morale, qui sera alors considérée comme autrice : c'est le seul cas où la personne moral peut être autrice
"l'exception est utilisée un peu à tort et à travers pour permettre à une personne morale d'être autrice"

"et souvent c'est extrêmement compliqué : on est ni dans le cas du contrat, ni dans le cas de l'œuvre collective"
une entreprise exploite une œuvre de l'esprit -> même si elle a été crée dans le cadre de ses activités, s'il n'y a pas de contrat ni d'œuvre collective, "ça ouvre la porte aux contrefacteurs" ; sans pouvoir prouver être titulaire du droit d'auteur, l'entreprise n'a pas qualité à agir
"alors évidemment la jpd est venue au secours de ces personnes morales", en créant la présomption de titularité du fait de l'exploitation (présomption factuelle et non légale donc)

  • Cass. 24 mars 1993 (arrêt Aréo) : si une entreprise exploite une œuvre de l'esprit, elle est présumée être titulaire de son droit d'auteur, ce qui permet à l'action en contrefaçon de prospérer
  • il faut que la possession soit claire et sans équivoque

création salariée -> en exécution d'un contrat
deux façons de raisonner :

  • logique économique : c'est l'entreprise qui fixe l'objectif
  • logique juridique : non pas celle du contrat de travail, mais celle de la PLA
    or, il y a 2 systèmes divergents : celui du droit d'auteur et celui du droit des brevets
    • L111-1 al. 3 : la seule existence d'un contrat ne change rien, que le créateur soit salarié ou pas
    • mais L131-1 CPI : la cession globale des œuvres futures est nulle, on ne peut pas céder à l'avance ses droits sur les œuvres qu'on n'a pas créées
      "c'est un problème aigu, actuel, de la création salariée"

2 cas particuliers, "et il faut faire une petite incursion en droits des brevets"
un brevet protège une invention : la logique qui irrigue son droit est très économique, à tel point que l'inventeur est rarement le breveté (= celui qui fait la demande auprès de l'INPI)

  • contrat de "mission inventive" : ces inventions-là appartiennent à l'employeur, moyennant une "rémunération supplémentaire" (L611-7 CPI)
  • invention hors mission : attribuable moyennant "juste prix"/non-attribuable
    "la difficulté, c'est de savoir quelle invention est une invention de mission"

si les parties (employeur/salarié) se disputent la qualification de "juste prix" ou du caractère "supplémentaire" de la rémunération, "évidemment ça va pourrir la relation, ça peut déboucher sur une saisine de la CNIS (Commission nationale des inventions de salariés) voire une assignation classique"
"les conventions collectives peuvent définir des critères" (contractualisation des clauses d'invention)

quid de l'informaticien qui créé un logiciel alors qu'il est salarié ? "on sait déjà qu'un logiciel est protégeable par le droit d'auteur" ; par contre, il n'est pas protégeable par le droit des brevets en tant que tel, mais seulement en tant qu'élément d'une autre invention, "mais ça on le reverra"
L113-9 CPI : sauf stipulation contraire, les droits sont "dévolus à l'employeur"
"s'il n'y a une dévolution, il n'y a pas de contrat" : "ça se rapproche du système en droit des brevets, mais ce n'est pas exactement ça non plus"
"ce qui est sûr, c'est que ça se fait automatiquement (ab initio), il n'y a pas de cession"
les auteurs de logiciels sont donc soumis à un régime juridique différent, qui se rapproche plus du régime d'invention de mission, et dans lequel il n'y a pas besoin de contrat de cession, "c'est très très favorable à l'employeur"

2e cas particulier : les agents publics ("autrement dit les fonctionnaires")
"pour eux, pendant très longtemps, il y a eu ce que les journalistes appellent un vide juridique, on sait que le vide juridique ça n'existe pas, mais il y avait un flou problématique"
loi DADVSI de 2006 => L131-3-1 et suiv. CPI
dans les missions de SP, il est prévu une "cession automatique dès la création" des prérogatives patrimoniales de l'auteur à l'État ou à la collectivité pour lesquelles il travaille pour les œuvres créées dans l'exercice de leur fonction/d'après les instructions reçues
"on est exactement dans la même problématique que précédemment, il s'agit bien de droit d'auteur"
il n'y a pas de dévolution ici, mais une cession automatique, uniquement "dans la mesure strictement nécessaire à l'accomplissement d'une mission de SP"

Section 2 : création plurale

le CPI ne distingue pas les différents cas de figure que regroupe l'appellation "œuvre plurale"
une œuvre existante est utilisée dans une œuvre nouvelle -> œuvre dérivée, "ce n'est pas vraiment une œuvre plurale"

§1 Cas de l'œuvre dérivée ou composite

"c'est une fausse œuvre plurale"
notion = L113-2 al.2 CPI, "oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière"

une œuvre composite peut aussi être une œuvre de collaboration, "ce sont deux choses différentes"
exemple célèbre : opéra du Prince Igor

régime juridique = L113-4, l'auteur est celui qui l'a réalisée "sous réserve des droits de l'auteur de l'oeuvre préexistante"
"parfois l'œuvre dérivée redonne de la popularité à l'œuvre première, son titulaire peut reprendre son exploitation, chacun chez soi"
il faut avoir l'autorisation de l'auteur de l'œuvre première, ce qui implique qu'on l'a demandée

  • si l'autorisation n'a pas été demandée, il y a contrefaçon
  • si l'autorisation a été demandée mais pas accordée, c'est aussi une contrefaçon
  • l'autorisation a été accordée mais mal respectée, dépassée : c'est toujours une contrefaçon

"sauf qu'est intervenu un courant de jurisprudence qui a fait pas mal de remue-ménage"
"soit un photographe qui fait des photos publicitaires pour des produits cosmétiques ; et de l'autre côté, un artiste peintre dont la pratique consiste à dénoncer la société de consommation"
"le photographe l'assigne en contrefaçon, mais le peintre doit considérer que cette contrefaçon quasi-automatique l'empêche de créer ; or, la liberté de création est une liberté fondamentale, protégée au plus haut niveau par la CEDH" : "de quel côté faire pencher la balance ?"

  • la CCass. censure la CA car elle n'avait pas expliqué de façon concrète en quoi la recherche d'un juste équilibre entre les droits en présence commandait la condamnation qu'elle prononçait
  • CA de renvoi, 15 mai 2015 : la recherche d'un juste équilibre ne justifie pas que l'utilisation des photographies était nécessaire à son exercice de peintre : il n'avait pas fait la démonstration que, pour préserver sa liberté d'expression, il était nécessaire d'utiliser les photographies sans autorisation
§2 Cas des véritables œuvres plurales

œuvre collective et œuvre de collaboration

1) Œuvre de collaboration

L113-2 : "à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques"
il faut une participation effective de chacune de ces personnes dans la mise en forme originale de l'œuvre (concertée et cohérente)
il faut une participation de l'un en fonction de la participation de l'autre, "il ne faut pas que ce soit juxtaposé, sinon c'est une œuvre collective"
"ce que je souligne chaque fois pour expliquer, c'est la structure de la collaboration" : dans l'œuvre de collaboration, la structure est horizontale, "l'exemple type c'est la bande dessinée"
"mais je ne vous cache rien, c'est un nid à contentieux, il faut des accords à l'unanimité" pour exploiter l'œuvre et agir en justice (co-titularité)

un co-auteur peut-il réutiliser sa partie si elle est dans un genre différent ? -> oui, à condition de ne pas gêner l'exploitation de l'œuvre de collaboration

2) Œuvre collective

en opposition à l'œuvre de collaboration, structure verticale : "ça implique que quelqu'un dirige"
"c'est une espèce de patchwork de création", "l'exemple-type c'est l'œuvre encyclopédique, ou le journal"
le titulaire du droit d'auteur sur cette œuvre plurale sera le promoteur (personne humaine ou personne morale) : il n'y a pas de partage entre les contributeurs (mais chaque contributeur a un droit d'auteur sur sa contribution)
"le premier réflexe des avocats quand ils voient arriver un dossier, c'est de se demander si c'est une œuvre collective, et dans ce cas c'est simple de désigner le titulaire"

exercices
  • un salarié licencié peut-il revendiquer des droits sur le "CD-ROM" qu'il a co-développé pour son employeur ?
    • si on considère que le "CD-ROM" est un logiciel => dévolution automatique (L113-9)

Chapitre 3 : Prérogatives

Section 1 : prérogatives morales

attachées à la personne de l'auteur (art. L121-1), en conséquence :

  • inaliénables ("on ne peut pas les céder par un contrat")
  • perpétuelles (elles ne tombent pas dans le domaine public)
  • imprescriptibles (l'écoulement du temps n'a pas d'effet sur le droit d'agir en justice pour les défendre)
    mais néanmoins transmissibles à un héritier
    "ça ne vous rappelle pas quelque chose ? les droits extra-patrimoniaux à l'image des droits de la personnalité"

liste de prérogatives morales :

  • droit de divulgation : droit pour l'auteur, et l'auteur seul, de livrer ou non son œuvre au public
    a contrario, on n'a pas le droit de divulguer une œuvre au public si elle n'a pas été divulguée par son auteur ("si un peintre jette une toile par la fenêtre, vous n'avez pas le droit de la revendre")
    l'épuisement d'un droit, c'est le fait de perdre un droit car on l'a exercé : "j'écris un texte, je le diffuse, j'exerce donc mon droit de divulgation, est-ce que l'exercice de ce droit entraîne son épuisement ?"
    "cette hypothèse ne vaut que pour les droits patrimoniaux, mais ça vous gêne de voir que la société à qui vous l'avez cédée diffuse son article sur un site internet"
    Cass. civ. 11 décembre 2005 : l'exercice du droit de divulgation épuise ce droit de divulgation
  • droit à la paternité : droit pour l'auteur de se faire reconnaître comme l'auteur de l'œuvre
    mais ce droit a 2 faces, une positive ("j'ai écrit X, je veux que X soit diffusé avec mon nom) et une négative ("je peux ne pas vouloir que ce soit diffusé sous mon vrai nom, ou carrément anonyme")
  • respect matériel/intellectuel : l'auteur peut exiger que l'œuvre ne soit ni déformée ni altérée dans sa forme comme dans son esprit
    "autant vous dire que le respect intellectuel est source de contentieux"
  • droit de retrait et de repentir, "à l'inverse de la précédente elle est très peu plaidée devant les tribunaux, et pour cause, tout est fait pour qu'elle soit le moins utilisée possible"
    permet à un auteur qui a autorisé l'exploitation de son œuvre d'en arrêter la diffusion en faisant cesser l'exploitation, ou en demandant d'apporter des remaniements à l'œuvre, ce qui va avoir pour conséquence de modifier l'objet du contrat
    prérogative très encadrée par le CPI, qui exige que l'auteur verse une indemnité pour dédommager le préjudice subi par l'exploitant -> "en réalité, les auteurs n'ont pas l'argent, et s'ils l'ont, ça ne se fait pas en contentieux, plutôt en amont"

respect matériel : l'auteur peut s'opposer à toute atteinte à l'intégrité matérielle d'une œuvre ("on ne peut pas coloriser une photo")
respect intellectuel : modifier la destination de l'œuvre ("une œuvre musicale faite pour illustrer une messe, réutilisée dans un film un peu olé-olé", "je suis volontairement caricaturale")
"ce qui n'est pas possible, c'est d'autoriser largement en amont la modification ; mais sur pièce, c'est possible"

Ces prérogatives ont été écartées pour le logiciel : l'auteur d'un logiciel n'a pas de droit moral (sauf paternité ?)
"c'est une autre illustration de la proximité du droit d'auteur des logiciels avec le droit des brevets"

Section 2 : prérogatives patrimoniales
§1 : Les prérogatives patrimoniales

il ne s'agit pas ici de défendre l'œuvre, mais d'exploiter l'œuvre ; d'en tirer des ressources

  1. Principe

L122-1 et suiv. CPI : 2 prérogatives principales, qui constituent le monopole d'exploitation ("je vous renvoie sur ce que j'ai dit au tout premier cours") :

  • le droit de reproduction

fixer matériellement l'œuvre par tout procédé permettant de la communiquer au public de manière indirecte
au sens strict, la reproduction prend 2 formes :

  • reconstitution à l'identique d'une œuvre déjà matérialisée : "dans ce cas, on vise une copie"

  • fixation d'une œuvre non matérialisée qui va le devenir : "vous enregistrez un disque"

  • le droit de représentation

communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque, tel que ("et la liste n'est pas exhaustive") la récitation publique, l'exécution lyrique, la représentation dramatique, la projection publique, ou la transmission dans un lieu public de l'œuvre télédiffusée
"représenter, c'est faire entendre ou faire voir l'œuvre au public"

pièce de théâtre filmée et rediffusée à la télévision : elle est à la fois représentée et reproduite
"mais évidemment, avec l'avènement du numérique, cette distinction est dépassée : quand vous représentez quelque chose sur internet, c'est de la représentation ou de la reproduction ? est-ce que c'est pertinent aujourd'hui de distinguer ?
"c'est la raison pour laquelle la doctrine propose de parler plutôt d'un droit de communication, et de manière plus générale, d'un droit d'exploitation numérique"

dans tous ces cas de figure, il faut l'autorisation : peu importe l'objet, l'œuvre, le support ou le procédé de reproduction/représentation, "à la condition quand même que les traits de l'œuvre soient reconnaissables"
peu importe la finalité de la représentation/reproduction
à défaut d'autorisation, il y a contrefaçon

  1. Exceptions

normalement, toute utilisation de l'œuvre suppose qu'on demande l'autorisation de l'auteur, soit qu'on la représente, soit qu'on la reproduise, "c'est le noyau dur du monopole d'exploitation"

en France, il n'y a pas de généralisation de licence légale = mécanisme qui veut que le titulaire des droits reçoive une rémunération en contrepartie de la perte du droit d'autoriser la représentation/reproduction de son auteur
elles ont été envisagées face au développement du numérique ; il existe "de manière tout à fait parcellaire" (ex. droit de prêt à la bibliothèque)

des atteintes peuvent découler de la défense des droits de la personnalité, ou du droit de la propriété (par ex. un bâtiment qui nécessite des travaux)
exceptions motivées par l'intérêt du public : dans certains cas, on considère qu'il doit prévaloir
parfois, il s'agit davantage d'autoriser l'utilisation de l'œuvre sans autorisation de l'auteur pour satisfaire non pas l'intérêt du public, mais un intérêt privé : "c'est l'intérêt de l'auteur contre un autre intérêt, et cet intérêt l'emporte, car on considère l'atteinte minime"

intérêt public :

  • droit de se référer à une œuvre = exception de courte citation "ça vous concerne tous lorsque vous allez faire un mémoire"
    il faut que la citation soit justifiée par le caractère de l'œuvre citante, soit :
    • critique
    • polémique
    • pédagogique
    • scientifique
    • d'information
      "et il faut qu'on soit dans une courte citation" : la brièveté est appréciée par rapport à l'œuvre citée et l'œuvre citante
  • parodier ou pasticher : sur la considération que, si on exigeait l'autorisation de l'auteur, elle serait refusée ("on a souhaité favoriser cet art")
  • usage pédagogique : "vous pouvez faire réciter à vos élèves des poèmes sans avoir à demander l'autorisation"

intérêt privé :

  • représentation dans le cercle de famille : impossible d'interdire une représentation (et une reproduction) privée et gratuite dans ce cadre
    "interprétée strictement et souplement" : ce n'est pas la famille nucléaire, il est simplement exigé un degré d'intimité
    et il faut qu'il y ait gratuité : absence de perception de droits d'entrée ou de participation aux frais, "ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de but lucratif que pour autant, la soirée est gratuite"
  • exception de copie privée : L122-5 CPI ("c'est le siège de toutes les exceptions")
    • utilisation personnelle ou familiale (= à l'intérieur du cercle de famille, exclut l'usage à l'intérieur de l'entreprise)
      un groupe d'internautes peut-il être considéré comme un cercle de famille ? "la réponse est non, évidemment"
    • autre condition dégagée par la jurisprudence : obligation de licéité de la source, consacrée ensuite par la loi du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée
      la source peut être copiée si elle a été acquise licitement, "ce qui n'est pas nécessairement le cas lorsque les œuvres ont été téléchargées via un système de pair-à-pair"

qui est copiste ? cette notion n'est pas définie par la loi, mais précisée par la jpd
celui qui peut à disposition des moyens pour reproduire, sans faire la copie lui-même, peut-il être qualifié de copiste ? -> oui ("cela vise surtout les officines de reprographie")
"c'est le même raisonnement pour les internautes qui mettent un stock d'œuvres en partage pair-à-pair"

redevance : l'objectif est de compenser le manque à gagner occasionné par la copie privée organisée licitement sans leur autorisation
Commission Copie privée => détermine quels sont les supports éligibles : cédéroms, ordinateurs, clés USB, tablettes... (L311-5 CPI)
cette rémunération est acquittée par le vendeur de ces supports d'enregistrement : ce sont ensuite les sociétés de perception et de répartition de ces droit qui seront chargés de percevoir et ventiler cette rémunération ("grosso modo, c'est 75% de ces sommes qui sont ventilées")

"affaire Mulholland Drive" : une personne physique achète un combo VHS-DVD dans le but de faire une copie du film, mais n'y parvient pas à cause du mécanisme de protection (DRM) dont il n'était fait aucune mention sur la jaquette du DVD
"là je me situe sur l'aspect purement droit d'auteur, pas du droit de la consommation"
du fait de la compensation financière, il n'y aura pas d'atteinte au droit de l'auteur <- la CCass va censurer cette décision le 28 février 2006
pour elle, le fait d'autoriser la copie des DVD via l'exception de copie privée représente un risque pour l'exploitation normale du droit d'auteur = il n'y a pas de droit à la copie privée, ce n'est qu'une exception

§2 : Les contrats

les outils contractuels pour mettre en œuvre ces prérogatives

l'auteur peut "mettre des degrés" : céder tout son droit de représentation, ou bien seulement sous certaines conditions
l'auteur peut aussi décider de ne pas exploiter l'œuvre : "il est sur son île et il fait ce qu'il veut"
mais il peut aussi choisir, soit de manière alternative soit de manière complémentaire, le système de la gestion collective => en confiant l'exploitation de ses droits à une société de gestion collective de droits d'auteur (ex. la SACEM)
"je vais me focaliser sur la gestion individuelle, la gestion collective obéit à des règles tout à fait spécifiques"
"et sur les droits patrimoniaux (= le monopole d'exploitation), car on l'a vu, les droits moraux restent incessibles"

le monopole peut être cédé (cession, "c'est la même chose qu'une vente, mais pour les objets immatériels") ou concédé (licence, "c'est une location")
dans les deux cas, il faut qu'il y ait un contrat d'auteur : c'est un contrat qui porte sur les droits patrimoniaux d'un auteur
en revanche, le contrat d'auteur ne porte pas sur le support de l'œuvre : "si je vends une clé USB avec l'œuvre dessus, il n'y a pas contrat d'auteur, il faut je cède les droits sur l'œuvre ; si c'est un tableau, c'est la même chose"

est-ce qu'un contrat de travail, par lequel une entreprise qui fait des jaquettes de DVD recrute quelqu'un pour créer les jaquettes, est un contrat d'auteur ? <- pas nécessairement, si aucune clause ne porte sur les droits patrimoniaux

principe de liberté contractuelle : "vous n'avez pas l'obligation de suivre un modèle"
"mais pour reprendre l'expression d'un juriste célèbre, ici la liberté est surveillée pour protéger l'auteur, on estime que c'est une partie faible"
contrats régis par un certain formalisme : le seul accord des parties ne suffit pas nécessairement pour rendre le contrat valable

"vous devez au moins retenir une chose de ce cours : on n'utilise pas une œuvre sans contrat, et ce contrat doit respecter des règles pour être valable"

  1. Règles de formation du contrat

"il ne s'agit que des règles spéciales, pas celles de droit commun qui sont dans le CCiv"

  • consentement personnel : règle initialement applicable aux contrats d'édition, étendue par la doctrine et la jpd à tous les contrats d'auteur, "c'est vous dire l'importance accordée par le droit français à la cession des œuvres"
  • formalisme des mentions : elles sont énumérées par l'art. L.131-3 "que nous avons déjà vu ensemble, quand on se posait la question de la titularité"
    la cession est subordonnée = en l'absence de ces mentions, il n'y a pas de cession et le contrat est invalide (formalisme ad validitatem)
    • il faut que le contrat vise tous les droits cédés, "et c'est logique : vous savez qu'il y a 2 prérogatives principales, le droit de représentation et le droit de reproduction, plus des prérogatives accessoires"
      tout ce qui n'est pas cédé expressément par l'auteur est réputé non cédé
    • les modalités d'exploitation visées par le contrat doivent être précisées <- étendue de l'exploitation (ex. : "j'autorise la reproduction de ma photographie dans telle édition de telle revue, sans mentionner d'autres éditions")
      "pour quel usage je cède ces droits"
    • les parties doivent aussi préciser le lieu d'exploitation et la durée
      toutes ces précisions sont cumulatives : s'il en manque une seule, le contrat est frappé de nullité relative (= seul l'auteur peut demander la nullité, "puisque c'est la personne protégée")
      en principe donc, les contrats d'auteur ne sont valables que s'ils respectent toutes ces exigences = si la cession est expresse (il ne peut y avoir de cession tacite, "notamment en relations d'affaires")
      "mais ce principe se heurte parfois au principe de réalité, qui n'est pas juridique celui-là"
      "et là, je suis bien obligée de vous dire que parfois, y compris devant la CCass, il y a des décisions contra-légales" ; "le formalisme peut être instrumentalisé par des auteurs pour sortir d'une relation contractuelle qui s'impose à deux, alors qu'ils en ont bien tiré profit jusqu'à présent, qu'ils savaient très bien que le formalisme n'était pas respecté"

L131-6 CPI, "cette question est assez importante pour vous"
"une participation corrélative aux profits d'exploitation" si la forme est non prévue ou non prévisible : "entre la création de l'œuvre et 70 ans après la mort de l'auteur, il peut s'écouler beaucoup de temps ; l'apparition du numérique par exemple"
"mais si ce n'était pas prévu au moment de la création du contrat, comment on fait ? il faut absolument intégrer ce type de clause, le progrès va tellement vite, et le contrat est un outil d'anticipation"

  1. La preuve du contrat

elle obéit à des règles spéciales elle aussi : L131-2 CPI
ce qui implique qu'on conserve le droit commun pour l'auteur, qui doit prouver contre l'exploitant ; en revanche, l'exploitant qui doit prouver contre l'auteur doit nécessairement prouver avec un écrit
régime probatoire spécial qui durcit les règles de preuve lorsqu'elle doit être faite par l'exploitant contre l'auteur => encore une fois, règles favorables à l'auteur

obligation de rémunération

"ce n’est pas vraiment une obligation puisque le code admet qu’il peut y avoir des cessions sans prix" (exception visant surtout les domaines où il y a peu de rentabilité)
Mais gratuit ne veut pas dire sans contrepartie

  • ex. d’un soldat russe qui raconte l’histoire de sa désertion et a laissé les droits de l’écriture de son histoire à une association qui en a fait un livre et qui s’est vendu ("l'auteur l’aurait vendu lui-même avant s'il savait qu'il y autant autant d’intérêt pour son histoire")
    En l’état, il n’y a pas eu d’acte notarié authentique pour cette histoire, et donc le contrat est nul et l’histoire appartient toujours à l’auteur.
    On précise que si c’est une donation => il faut un acte notarié
  • À côté de ça, la plupart des cessions ne se font pas à titre gratuit mais onéreux puisqu’il s’agit d’exploiter l’œuvre => de manière aussi, que l’auteur puisse vivre de sa création.
    s’il s’agit d’une cession, il y a un prix : "c’est la même chose dans le cadre des droits d’auteurs"
    Cette rémunération de l’auteur, comment est elle fixée ? On va parler de la loi du 21 mai 2024

Avant le 21 mai 2024, le CPI énoncé un principe et une exception (ancien article L131-4) :

  • Le principe = la rémunération devait être proportionnelle aux recettes d’exploitation. C’est une règle qui se veut favorable à l’auteur, parce que cette proportionnalité implique que l’auteur participe au succès de son œuvre : "on retombe dans le principe de liberté contractuelle"
    le taux est fixé par les parties : la seule règle (du code civil) est qu’il ne peut pas y avoir de rémunération dérisoire.
  • L’exception = c’est la rémunération au forfait (l’auteur est payé un montant précis)
    n’est possible que dans certains cas énoncés par le code de la propriété intellectuelle :
    - Art L131-4 => « en cas de cession des droits portant sur un logiciel, il peut y avoir rémunération du cédant par un forfait » le forfait est donc possible.
    - Pour les autres cas, il s’agit de cas où on a pas forcément de recettes d’exploitation de l’utilisation d’une œuvre (ex : de la musique dans un resto)
    il est tout à fait possible de prévoir le forfait + la rémunération proportionnelle en même temps

dans l’hypothèse où les conditions d’exploitation changent, il est possible de modifier le contrat :

  • C’était possible avant la loi de mai 2024 en cas de forfait et strictement encadré
  • Depuis la loi, c’est aussi possible en cas de rémunération proportionnelle

Après le 21 mai 2024, la rémunération a changé.
Car une directive d’avril 2019 est venue modifier l’état du droit sur le territoire de l’UE en posant un principe d’une rémunération juste pour les titulaires de droits.
article 18 de cette directive : la rémunération des auteurs doit être "appropriée et proportionnelle"
Sauf que, dans le texte d’origine de la directive, càd avant traduction, le texte en anglais faisait référence à la mention « proportionated ». Mais il y a une différence entre proportionné et proportionnalité. Proportionné renvoi à quelque chose de juste mais la proportionnalité renvoi à quelque chose.
Mais du coup, quand le gouvernement a transposé la règle, il est parti du principe que la proportionnalité existait déjà et pas besoin de modification.
Mais, 2 sociétés d’auteurs ont obtenu que la directive a été mal transposé => le CE a censuré la transposition.
La nouvelle version de l’article L131-4 contient la notion de rémunération "appropriée et proportionnée"
À noter que les effets de la loi ne sont pas rétroactifs => il existera donc, pendant un certain temps, 2 systèmes différents

"On va finir la séance sur : droit d’auteur et IA"
On va d’abord lire l’article de Michel Vivant (intro surtout dans le cadre du cours)

Dans le système du droit d’auteur à la française => il faut nécessairement un humain.
La personne est donc fondamentale => sans une personne/un créateur, pas de droit d’auteur
L’idée est de savoir si on peut protéger ce qui est créé par IA => il n’y a pas de forme quand on parle de création de l’IA.
Même en partant du principe que le prompt est unique => on ne crée pas pour autant

Quand on parle de la génération d’image, on parle justement de génération et non pas de création, puisque c’est juste un travail de récupération d’éléments déjà existants

Second article parle d’un règlement=> celle du 13 juin 2024
À noter que ce texte traite moins du droit d’auteur que des conditions de concurrence entre les fournisseurs d’IA

Protection des bases de données

"On aura un diaporama sur la question"

La base de données peut être papier ou numérique (ex : le registre des personnes inscrites en tant qu’étudiant à Avignon Université)
Un site internet, un code de la propriété intellectuelle est une base de données

Il y a 2 modes de protection des bases de données :
• Le droit d’auteur => s’applique à la forme => donc à la structure de la base (façon dont elle est présentée) => donc s’il s’agit d’une création de forme originale
• Le droit du producteur de base de données => il est là pour protéger le contenu (droit sui generis, dont le genre n’appartient qu’à lui)
Ce droit du producteur de base de données protège cette dernière si celle-ci témoigne d’un investissement substantiel que l’auteur a fait en terme de travail, d’argent par exemple.
il consiste pour le producteur à autoriser ou interdire l’accès à la base (Si qqn pille la base de données => il sera puni pénalement)
"Ce droit il ne fonctionne pas" : puisqu’il est difficile de montrer un investissement substantiel et il est aussi compliqué de protéger les données

Info

Malrieu : "un truc vraiment, vraiment lamentable", "si t'as packagé les données dans ta base de données à toi, même si tu n'as pas été le producteur de ces données, les gens n'ont pas le droit d'utiliser ta base", "heureusement ça a foiré cette affaire, en pratique c'était tellement difficile d'attaquer les gens"

Ce qui fonctionne le mieux pour protéger la base de données, c’est le droit commun relatif à la concurrence déloyale : droit des affaires, parasitisme économique etc…