Culture numérique (Cardon)

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Notes de lecture

Introduction

Partout, on demande que le numérique soit enseigné, à l’école primaire, au lycée ou à l’université. Mais deux projets s’affrontent. Certains disent « Il faut coder », d’autres rétorquent « Il faut décoder ». Les premiers veulent enseigner la programmation, les seconds, ce que l’on appelle désormais la « littéracie numérique ». En réalité, il faut faire les deux car le numérique, pratique éminemment interactive, exige de comprendre en faisant et de faire en comprenant.

Généalogie d'Internet

C’est (dans la région de San Francisco) que fut inventé le microprocesseur (dont le silicium – silicon en anglais – est un des composants) par l’entreprise Fairchild Semiconductor, fondée en 1957 et qui deviendra Intel en 1968.

Info

c'est inexact, Intel a été fondé par deux des fondateurs de Fairchild (les "Huit traîtres")
mais Fairchild a continué a exister, ils ont inventé la première console à cartouches et se sont fait rétamer par Atari avant d'être rachetés par Schlumberger mdr

à propos du World Earth Catalog :

Ce catalogue de trucs, d’idées et d’astuces paraîtra une fois par an entre 1968 et 1972. Loin d’être un obscur fanzine, il est tiré à près d’un million d’exemplaires en 1971, année où il obtient le National Book Award.

Même si tout choix de date est arbitraire, on peut considérer que l’ère des pionniers se clôt le 8 février 1996. (...) À Davos, le 8 février 1996, John Perry Barlow prononce un discours qui restera dans les annales comme une sorte de Constitution.

Civic tech

"une vocation souvent plus citoyenne que politique"
"L’histoire se répète : puisque le centre ne se réforme pas, les internautes se proposent de le faire depuis la périphérie"
"déplacement du centre de gravité de la démocratie"

démocratie représentative :

  • renforcer les mécanismes existants (élections, etc)
  • vigilance citoyenne
  • effet de réflexivité (les députés cherchent à améliorer leurs stats), "l’un des effets sociaux des dispositifs d’open data"
Info

Cardon cite ici:

Typiquement, le comparateur de programmes politiques Voxe.org – qui a remporté le Google impact challenge en 2012 – ne saurait remplacer le débat contradictoire… et pourrait même être contre-productif en « créant des correspondances artificielles qui délitent le conflit » ou en essentialisant des différences qui ne sont précisément pas politiques. Bref, on ne réduira pas la fracture civique par une « uberisation de la démocratie ».

- France Stratégie, janvier 2017

démocratie participative :

  • élargir le cercle des représentants/le débat public sur internet
  • "inventivité procédurale"
Info

Cardon cite ici :

démocratie internet :

  • transformer ("hacker, disent-ils") les procédures de la démocratie représentative
  • faire surgir des candidatures de la société civile
  • Laprimaire.org et de Mavoix.info
  • Liquid Democracy ("n'a jamais vraiment fonctionné")

social tech : "ne cherchent pas à placer la périphérie au centre, mais plutôt à mettre en œuvre, directement et concrètement, des projets politiques, locaux ou sectoriels réunissant les citoyens-internautes de bonne volonté" (crowdfunding)

limites : "La démocratie des civic tech se réduirait à un petit monde d’individus informés, compétents et tolérants, à la recherche d’un consensus raisonnable."

Socioéconomie des plateformes

en 2006, seul Microsoft (parmi les boîtes de tech) était dans le top 10 des capitalisations boursières
aujourd'hui, tout le CAC40 réuni < les quatre GAFA
en revanche, toute la masse salariale des GAFA = "à peine le quart" des effectifs de Wal-Mart

comment produire autant de valeur avec si peu de travail ?
c'est la mise en réseau qui permet de produire de l'intelligence collective, "dont la valeur est très largement supérieure à la somme de celles de ses parties" ("uberisation")

"trois lois de l’économie numérique" :

  • loi des rendements croissants et non pas décroissants comme dans l'éco classique
  • loi des effets de réseau
  • les vainqueurs emportent tout

ces lois entraînent une tendance à la concentration :

  • "une base importante de clients qui, une fois fidélisés, se verront proposer des tarifs plus élevés" (Enshittification ?)
  • "Si nos amis sont sur Facebook, alors nous devons y être aussi" (sauf interopérabilité)
  • les anciens acteurs possèdent plus de données sur leurs utilisateurs que les nouveaux, ce qui en fait des "monopoles naturels difficiles à supplanter"

Partage 

Cardon essaie de distinguer entre plateformes qui produisent de la valeur et plateformes qui l’accaparent, mais c’est “pas facile”

il commence par définir l’économie du partage :

  • Peuplades, Onvasortir, Couchsurfing, Blablacar
  • logique de réciprocité, de don/contre-don, “le retour au monde d’avant” en contradiction avec la division croissante des rôles dans la société
    puis il détaille l’économie des plateformes :
  • pas de symétrie : division des rôles entre offreurs et demandeurs

la “plateforme” joue le rôle de pivot de la mise en relation, ce qui lui permet de se rémunérer à l’intermédiaire (pubs et/ou commissions)

c’est un marché biface, mais transformé par le numérique :

  • les plateformes ne sont plus que des “simples” intermédiaires, elles n’ont besoin que de créer le réseau (Uber n’achète pas de voiture)
  • la grande quantité de données accumulées permet aux plateformes d’affiner leur rôle d’intermédiaire, en donnant une meilleure information aux offreurs et demandeurs, et surtout en la gardant pour elles

les plateformes font subventionner une face du marché par l’autre : pour l’utilisateur final c’est gratuit

par conséquent “difficile de déterminer si de telles pratiques sont anticoncurrentielles” :

  • effet positif : la gratuité réduit le coût pour le consommateur
  • effets négatifs : appropriation de la valeur, distorsion du marché publicitaire, précarisation des travailleurs

Publicité

Plusieurs modèles économiques existent dans le numérique : commissions, dons, abonnements, vente de hardware
mais le modèle dominant est celui de la publicité = “réunir et conserver l’audience la plus nombreuse possible”
“on peut dire que [Google et Facebook] sont d’abord et avant tout des régies publicitaires” qui écrasent totalement le marché aujourd’hui

ce qu’a changé le numérique à la publicité :

  • ciblage des consommateurs grâce aux cookies tiers
  • insertion des pubs dans les résultats de recherche (Google Ads est “de loin le plus efficace des modèles publicitaires”) : en mettant aux enchères les mots-clés tapés par un utilisateur, Google vend “le futur” de ses décisions plutôt que son profil antérieur

aujourd’hui, le marché est déséquilibré et impopulaire :

  • les utilisateurs installent de plus en plus des bloqueurs de pubs
  • les régulateurs sont de plus en plus sévères (RGPD)

“La publicité a gangrené le web”

Notation

“la réputation est intégrée à toutes les transactions en ligne”
dans les transactions en face-à-face, une confiance minimale s’instaure forcément : on voit le vendeur, on touche le produit, on peut l’acheter vite
mais pas dans la vente à distance, encore moins entre petits acteurs : comment faire confiance ?
la solution trouvée par eBay : la notation

elle s’est ensuite “rapidement étendue à l’ensemble des espaces transactionnels du web”

  • elles sont tout le temps très élevées (4 sur 5 = mauvaise note) ou très basses
    “Selon de nombreux témoignages, quand un chauffeur Uber passe sous la barre de 4,5, son compte est désactivé par la plateforme.”
  • la majorité des notes provient d’une minorité d’utilisateurs
  • faux avis (mais “les clients parviennent à trier”)

il n’y a pas que la notation qui joue sur la relation commerciale en ligne :

  • influenceurs (“communauté de passionnés”)
  • forums

paradoxe : grâce au numérique on accède beaucoup plus facilement à l’information, et pourtant :

  • les plateformes manipulent le marché en appliquant leurs propres règles
  • la longue traîne était une théorie “optimiste” : elle n’a pas “enrayé” la concentration sur les produits stars