Aux sources de l'utopie numérique (Turner)

Fred Turner

Notes de lecture

Dominique Cardon dans la préface : Fred Turner a choisi de faire parler du LSD, ne pas "le réduire à un folklore"
ce n'est pas qu'une "coïncidence" entre idées et technologies : les "idées de 68" ont contribué à créer "une nouvelle forme, en réseau, du capitalisme"

"Nous devons tout aux hippies !" : pour John Markoff, l'ordinateur personnel aurait pu naître sur la côte Est mais il manquait ce "détonateur" : les hippies

Pour Turner, en 1965 ("nous n'allons pas arrêter la guerre avec cette manif"), c'est le moment où une partie des hippies s'éloigne des grandes luttes politiques pour se concentrer sur leur révolution intérieure (vie en communauté, LSD, trucs de hippies quoi)
et c'est cette contre-culture qui va rencontrer le monde de l'informatique, pas celle des manifs et des grèves
années 80 : "transhumance des communautés hippies" (déçues par leurs expériences pastorales) "vers les terres numériques"
"effacer le statut des personnes" pour réaliser "une nouvelle forme d'égalité" : une "fiction", car les utilisateurs du WELL sont quasiment tous les mêmes : des hommes blancs cultivés mais qui "aiment se penser éloignés et différents"
Pour Cardon, Turner néglige le fait qu"il n'était pas nécessaire d'être gauchiste pour être pleinement hippie"
le GBN = "marabouter les cadres des grandes entreprises en les enfermant dans des séminaires", où interviennent des futurologues

aujourd'hui, les valeurs des "pionniers" se retrouvent à la fois chez les grands groupes les plus capitalistes et chez les activistes qui les critiquent (Google étant "à la fois gardien et fossoyeur" de ces valeurs)

  • l'"injonction à créer" : c'était un truc d'artistes, c'est devenu le gagne-pain des plateformes
    en insistant sur cette individualité, on a "oublié" l'égalité, nous dit Turner
    les héros d'Internet "sont systématiquement blancs, diplômés et masculins"
    ce qui a changé ce n'est pas tant la "composition sociale des dominants" que les "modalités d'exercice de leur domination"
  • la "liberté d'expression" absolue et sans limite : elle a toujours été "le principal carburant"
    c'est le dénominateur commun : les militants ne sont pas tous d'accord sur les autres revendications (ex. parti pirate)
  • le "bien commun" supérieur à l'"intérêt général" : les règles du collectif se constituent "par le bas", par défiance envers tout ce qui se régule "par le haut" (par ex. les lois sur le copyright)

dans cette conception des pionniers, la justice est une conséquence de la liberté ; cette dernière donnant une égalité d'accès au savoir à tous les individus qui pourront ensuite en faire ce qu'ils veulent
la "grande leçon" de Turner selon Cardon, c'est de montrer que cette conception colle "parfaitement" avec le capitalisme d'aujourd'hui

Aussi ce livre ne raconte-t-il pas la trajectoire d'un mouvement de la contre-culture dont les idéaux et les pratiques auraient été subtilisés par les puissances du capital, de la technologie ou de l'État. Il démontre plutôt que l'aile néo-communaliste de la contre-culture se rapprocha très tôt de ces forces (...)