Stop aux data centers ! Non à l'accaparement de nos territoires par les infrastructures du numérique
Forum sur les impacts, la régulation et les alternatives aux infrastructures du numériques, organisé par le Groupe vert au Parlement européen, le Groupe écologiste et pluriel de la Ville de Marseille, la Fédérations des élu-e-s écologistes et Les Écologistes
15 mars 2025, Marseille
Sébastien Barles (adjoint au maire en charge de la transition écologique) : "La question de la souveraineté numérique revient à l'agenda politique"
David Cormand (député européen) : "vous verrez que l'Europe a commencé à construire une infrastructure de défense du numérique"
"nous entrons dans une ère de pénurie et de concurrence pour accéder aux dernières ressources"
Stéphane Coppey : "on nous a dit qu'il fallait 4 GW de plus sur le territoire, puis la préfecture nous a dit 6 GW pour compter les data centers"
Clément Marquet : "vous avez peut-être vu des images, un centre de données ça ressemble à une bibliothèque avec des serveurs sur étagères, mais la moitié de sa surface est occupée de groupes électrogènes de cuves de fioul, de batteries en cas de coupure de courant, des espaces de climatisation..."
"ce ne sont pas les 4 opérateurs grand public, on parle de centaines d'opérateurs de télécommunication privés qui relient les entreprises entre elles et dont vous n'avez pas forcément connaissance"
"les plus vieux centres de données sont d'abord destinés à faire fonctionner l'internet mondial, ils s'installent autour des grandes métropoles", "cette concentration crée des enjeux de fragilisation des réseaux d'électricité (conflits d'usage)", "mais aussi des enjeux de consommation d'eau, vu que les ONG surveillaient le bilan carbone de la climatisation électrique, et qu'en Virginie occidentale on installait des data centers et on rasait les Appalaches pour faire du charbon"
"au départ les centres de données s'installaient dans les zones industrielles, et par besoin de foncier, on a commencé à les installer dans des zones résidentielles, ce qui entraîne d'autres conflits d'usage"
"ces espaces génèrent relativement peu d'emplois par rapport à d'autres activités industrielles"
"il y a eu 3 endroits en Europe avec de la résistance"
Fabien Benoît (auteur de "Techno-luttes" et "The Valley") : "j'ai raconté la résistance des petites mains de l'industrie du numérique dans la Silicon Valley"
"ça montre à quel point le capitalisme numérique ne rompt pas avec les logiques extractivistes, il extrait du capital, de la matière et du travail humain"
"et ce capitalisme numérique, je l'entends dans mes témoignages en permanence, se signale aussi par son néocolonialisme"
"je suis en train de travailler sur un livre qui s'intéresse à l'accaparement de l'eau, il y a une partie sur le numérique", "à chaque fois les ONG me disent qu'on a pas de données sur la consommation d'eau des data centers, il y a une loi européenne, les données devaient arriver en début d'année, il n'y a toujours rien"
projet de loi de simplification de la vie numérique : "on veut faire des data centers un projet d'intérêt national"
Aurora Gomez ("Ton cloud assèche ma rivière", Espagne) : "notre principale préoccupation en Espagne c'est l'enjeu de l'eau"
"jusqu'à présent on avait des data centers d'ancienne génération qui consommaient surtout de l'électricité : maintenant, on voit arriver dans la Manche des data centers hyperscale plus récents qui consomment de l'eau", "et la Manche c'est une région très sèche, à la population âgée et pauvre"
"comme l'a dit Fabien, c'est un techno-colonialisme, ils ont eu le sentiment qu'ils pouvaient accaparer nos ressources"
"le nuage n'est pas éthéré : il prend de l'espace, il est extrêmement bruyant, il consomme beaucoup d'énergie et d'eau potable, et ça entraîne des difficultés pour les riverains"
Cook et Jardin 2019 : les centres de données ont plus d'impacts sur le CO₂ que l'industrie aéronautique, "une donnée qui nous a beaucoup surpris"
Félix Blanc : "j'ai travaillé sur les câbles sous-marins, ce qu'on appelle les backbones, l'épine dorsale de l'internet"
"j'ai écrit un article en 2018 pour le quai d'Orsay sur la géopolitique des câbles, il est en ligne, je suis en train de l'actualiser", "Marseille est un endroit assez incroyable pour observer les crises qui surviennent partout autour du monde", "on est dans un endroit de choc de puissances, ça se passe en mer de Chine, ça se passe ici aussi" (câbles PEACE, SEA-ME-WE 6)"
"c'est une ville qui subit plus qu'elle ne contrôle", "on sent que la mobilisation est extrêmement importante, je pense que la dernière étape serait de faire de Marseille un véritable centre de régulation pour le numérique à l'échelle mondiale, en partenariat avec la commission et le parlement européens, on est parfaitement situés pour le faire et on a cette conscience historique, regardez l'histoire du canal de Suez"
Ulysse Colvert (collectif "Le nuage était sous nos pieds") : "les data centers à Marseille sont un exemple d'accaparement et de prédation", "il y a 3 prédations qui me semblent particulièrement importantes, avec un acteur qui s'appelle Interxion et qui s'appelle maintenant Digital Reality"
"pourquoi ils s'installent ici ? parce qu'il y a des choses à prendre :"
"il y a eu des enquêtes publiques lors des installations des data center, mais le projet de loi de simplification du numérique vise à limiter le pouvoir de contestation"
Patrick Robert (fédération des comités de quartiers du 16e arrondissement de Marseille) : "on s'est mobilisés alors que n'est pas du tout sur notre territoire", "mais le 16e, c'est une frontière méditerranéenne, avec le GPMM, le fret maritime et la réparation navale"
"on est assaillis de mails des riverains qui sont réveillés par le bruit des groupes électrogènes des navires à quai", "une solution à ce problème c'est l'électrification des navires à quai"
"et aujourd'hui les data centers sont passés avant nous, il n'y a plus de disponibilité, le dernier poste source qui était capable de fournir cette puissance c'est le poste Enedis de Saumaty, on a appris qu'il fallait attendre 2029 si tout se passe bien pour peut-être avoir de l'électricité dans l'enceinte du GPMM"
"ils estiment le besoin entre 100 et 120 MW ; les 5 data centers en fonctionnement à Marseille prennent 77 MW, celui à venir (MRS-6) et l'extension du data center de Free qui est à Saint-Henri, c'est 107 MW"
Antoine Devillet (Le nuage était sous nos pieds) : "nous espérons répondre aux questions que la 1ère table ronde a posée"
Ana Valdivia (professeur à Oxford) (en vidéo): "I've analyzed the social impact of algorithms for ten years"
"I've realized it's not only about the algorithms, it's also about the infrastructures"
"I did field work in several countries, and the most significant one was Mexico", "there is a large amount of data centers concentrated there", "in the near future there is going to have 28 data centers in a region that largely lacks water" (Colitoro)
rappel du retard dans l'application de la directive DEE (cf. Fabien Benoît plus haut)
Cécile Diguet (Studio Dégel, auteur de "Sous le feu numérique" avec Fanny Lopez) (en vidéo) : "les data centers sont en très forte croissance, en Île-de-France en particulier mais aussi Marseille"
"c'est très difficile de faire l'état des lieux du nombre de data centers en France, de leur consommation énergétique, etc.", "on doit faire beaucoup de travail à la main"
"il n'y a pas de code APE data center, il n'y a pas de catégorie data center dans les PLU, ni dans la fiscalité"
sobriété et effet rebond : "c'est comme si vous rajoutez une file de voitures sur une autoroute", "on ne peut pas vraiment tabler sur l'efficacité énergétique pour réduire la consommation des data centers"
"par contre, on a beaucoup de travaux sur comment écrire des programmes informatiques plus légers", "des hébergeurs comme Deuxfleurs qui sont plus low-tech"
Deuxfleurs est l'hébergeur de https://carnet.pointecouteau.com (le site que vous êtes en train de consulter)
"autre levier, la planification spatiale : j'avais proposé une stratégie régionale d'implantation des data centers qui combinaient des critères d'opportunité et de menaces pour que les data centers minimisent leur impact dans ces zones-là (réseau de chaleur urbain, éviter les terres agricoles mêmes si elles sont ouvertes à l'urbanisation)"
"il faut arrêter cette course à la taille, ces bâtiments de 80 000, 120 000 m² qui cherchent s'implanter en France, c'est impossible à intégrer dans les territoires", "on voit ce que ça a donné avec les paysages de la logistique"
"pourquoi pas travailler sur des data centers en terre crue ?"
gouvernance : "il faut consolider un observatoire national des data centers","il faut partager les données, la connaissance, et élaborer une stratégie commune
Félix Tréguer : "au début, à la Quadrature, on voulait défendre l'utopie concrète que représentait Internet"
"mais comme la radio avant lui, Internet a été repris en main par le pouvoir", "on a ciblé notre lutte contre la recentralisation économique d'internet (la loi Hadopi, la neutralité du net, etc.)"
"la plupart de ces batailles on les a perdues, mais rien de tout ça n'a été écrit d'avance"
"on a proposé les télécommuns, des petits réseaux avec des petits data centers, des hébergeurs comme Cécile l'a mentionné", "mais à part quelques avancées au parlement européen en 2018, c'est resté lettre morte, et aujourd'hui la neutralité du net est remise en cause en Europe"
"comme pour l'AI Act, la loi sur la simplification du numérique est une loi de dérégulation de plus", "nous avons lancé la coalition HIAtus pour marquer notre désaccord et stopper la fuite en avant qu'incarne l'IA"
David Maenda Kithoko (Génération Lumière) : "c'est un défi pour les personnes congolaises de fair entendre la voix des 3000 personnes tuées à Goa en 5 jours, de toutes ces villes aujourd'hui sous occupation, c'est le lieu où je suis né", "et qui est dirigé aujourd'hui par de nouveaux officiers coloniaux, ces bandes armées soutenues par des officiers supérieurs, le Rwanda, et dont l'objectif est d'accéder aux ressources minières et les vendre aux techno-capitalistes"
"j'aimerais commencer en 1885", "le Congo moderne telle qu'on le connaît aujourd'hui naît de la conférence de Berlin, où fut décidé de léguer un territoire grand comme 4 fois la France à une seul homme, le roi des Belges", "ce n'était pas pour lui faire plaisir, c'est extrêmement lié à la question de l'accès aux ressources", "et ça s'est d'abord passé en éliminant, en déshumanisant les populations sur le sol", "un droit à massacrer massivement tout ce qui peuple le sol congolais, à la fois les humains et les non-humains"
"de 1885 à 1908, 10 millions de congolais ont été tués au nom de la technologie automobile"
"je fais un bond dans l'histoire, dans les années 1990 avec le boom de l'économie électronique, vous avez sans doute ce qui s'est passé au Rwanda : la France va créer un couloir humanitaire dans lequel les génocidaires vont se mélanger aux populations civiles, créant une atmosphère propice aux violence qu'on vit aujourd'hui"
"à partir de 1997, première guerre du Congo : ça devient beaucoup plus limpide de voir le lien entre multinationales extractivistes et bandes armées, ils vont signer des accords entre eux", "on va vivre notre guerre des six jours, où deux armées officielles vont se battre pour le contrôle des mines dans la ville de Kisangani"
"cette guerre a fait pas loin de six millions de morts, c'est la guerre la plus meurtrière depuis la Seconde guerre mondiale, mais c'est la fourchette basse car il me semble qu'ils ont arrêté de compter en 2014, la guerre ne s'est jamais arrêtée"
"en 2023, on a constaté un doublement des bandes armées, 260, toutes disposées autour des mines"
"les malheurs s'abattent d'abord sur les plus affaiblis de la société, et les plus affaiblis de la société ce sont les femmes, des petites fillettes aux dames de 80 ans ou plus, la guerre s'abat d'abord sur leurs corps", "comme à l'époque coloniale où on coupait les mains, il s'agit d'instaurer la peur dans le corps des plus affaiblis, afin que ça serve d'exemple"
"pourquoi ça se passe comme ça ? dans cette zone, il y a entre 70% et 80% du coltane mondial", "le Congo, c'est aussi plus de la moitié des réserves mondiales de cobalt, le deuxième producteur de cuivre au monde après le Chili"
"L'UE ne pouvait pas ignorer cette situation, elle a quand même décidé de signer avec le Rwanda", "nous sommes allés au Parlement, pour la première fois de ma vie j'ai vu le Parlement adopter une résolution à l'unanimité, réclamer des sanctions, de suspendre cet accord, la Commission est restée stoïque", "je ne sais pas combien de morts il faudrait pour changer cela"
"nous n'avons pas le luxe de nous payer des slips connectés, des gourdes qui vous rappellent quand boire de l'eau", "on parle aujourd'hui des data centers à Marseille, ces data centers ont des minerais qui viennent du Congo, et si ce n'est pas dans ces data centers c'est nécessairement dans les câbles sous-marins"
Christophe Hugon (conseiller municipal, délégué à la transparence et au "numérique responsable" de la ville de Marseille, Parti Pirate) : "pas très facile de passer derrière David, ça l'est jamais, c'est pas la première fois qu'on se voit, je sais que l'État et l'Europe sont un peu sourds à tes combats, je profite de ce moment pour te dire que les collectivités locales ont une autre vision"
"pour éviter les redites, je vais plutôt vous parler de mon enfance" : "j'ai vu le Grand port dans mon enfance, mon père était docker, ces conteneurs géants ça m'a impressionné"
"maintenant que j'ai grandi et que je travaille sur le numérique, je comprends beaucoup de choses : quand je voyais que la mer était verte ou marron, je voyais un territoire qui payait le prix de la logistique pour toute l'Europe"
"quand les data centers sont arrivés, une promesse était venue avec : la modernisation, les grandes entreprises, l'attractivité, l'emploi", "ces promesses n'ont pas été tenues"
"pour l'emploi, Laurent vous en parlera mieux, mais ça coûte moins cher de faire venir un ingénieur de Paris s'il y a un problème : c'est de la haute fiabilité, on n'a pas besoin d'emplois direct"
"ça ne sert qu'à avoir Netflix en 8K sur notre téléphone, ça ne sert qu'à publier l'intégralité de notre vie sur les réseaux sociaux, les hyperscalers ça n'intéresse pas les TPE et les PME"
"une réflexion est en train d'émerger, les collectivités à Lyon, à Strasbourg, se positionnent là où l'État ne se positionne pas", "c'est au niveau national qu'on mène cette action-là"
"quelle est pour nous la société numérique qui est désirable ? il faut arrêt ce techno-libéralisme aveugle, qui se croit éthéré", "ça demande de faire de la gestion de territoire, de travailler ensemble"
Laurent Lhardit (Parti socialiste, ancien adjoint au maire en charge de l'économie) : "j'ai été amené très tôt à m'intéresser à ces étranges objets qui fleurissaient au port et qu'on appelait les centres de données"
"faut savoir que le foncier économique à Marseille est rare, moins de 4% de la surface de la ville est autorisée pour y implanter des entreprises, et nous évidemment on voulait favoriser des entreprises qui créent des emplois"
"une collectivité, elle fait pas la loi : elle a des pouvoirs mais ils sont limités", "notre manière de dialoguer avec les porteurs de projet, ça a été de définir des lignes directrices en conseil municipal", "on nous a proposé 11 data centers, on a décidé qu'on ne pouvait pas accueillir autant de projets" ("le GPMM est sous le contrôle total de l'État")
"on a posé des questions sur l'implantation, la consommation, ce qu'ils allaient faire de la chaleur fatale... déjà ça a eu un effet : on est passé de 11 projets à 5", "on s'est fait enfumer pendant pas mal de temps quand même", "heureusement que Christophe a construit ce réseau avec les autres villes pour s'échanger les données"
"le dernier centre de données, c'est le 4e de Digital Reality : nous savons que dans l'appel à projets lancé par le port, il y avait Sogaris (filiale de La Poste) qui voulait proposer un centre logistique, et il se trouve que ça répondrait à la stratégie municipale du dernier kilomètre", "mais le grand port a arbitré en faveur du centre de données, j'ai pas les sommes mais je pense que Digital Reality a pu mettre un plus grand montant sur la table que La Poste"
David Cormand (The Greens) : "j'ai voulu interdire l'obsolescence programmée, intervenir sur les questions de réparabilité"
"ça me paraissait bizarre qu'on considérait que la transition numérique était indispensable à la transition écologique : on a donc commandé la première étude sur le sujet en mi-2019, et ensuite y'a eu l'étude de l'Ademe, on a vu qu'en réalité c'était une catastrophe"
"regardez en Chine et aux États-Unis, deux pays avec une histoire très différente mais qui convergent tous les deux vers une forme de fusion de l'État et des entreprises privées"
"on nous a traités d'Amish" : "on ne peut pas verdir le numérique, tel qu'il est aujourd'hui c'est inverdissable, c'est comme la croissance verte"
"la sobriété numérique, pour moi ça ne fonctionne pas : c'est les infrastructures qui définissent l'usage, c'est comme construire des autoroutes pour faire du vélo"
"les smart cities c'est de la connerie, y'a pas besoin de mettre des puces partout, on est élus locaux, on sait bien que nos lampadaires consomment plus quand ils sont allumés que quand ils sont éteints"
Manuel Bompard (La France Insoumise) : "y'a pas une minute de temps d'antenne aujourd'hui pour parler de la situation en RDC alors qu'on a des leviers d'action sur ce sujet"
"on aurait aussi pu évoquer le sujet des déchets électroniques"
"vous avez évoqué tout à l'heure Cédric Durant, même si sur certains sujets on pourrait diverger, je suis d'accord avec lui sur beaucoup d'idées, notamment ce qu'il appelle le techno-féodalisme"
"je pense que personne va être contre utiliser les données pour détecter les cancers", "il faut mettre les modèles disponibles sur la table, pour être un peu caricatural, il y en a deux : celui de Macron au sommet de l'IA qui mise tout sur le privé, qui laisse au marché la libre affectation des ressources", "le corollaire de ça c'est de ne pas réguler, encore pire comme l'a dit Félix, de supprimer les rares régulations"
"la première chose à faire c'est de s'opposer à cette logique", "et ensuite y'a la question du contre-modèle à proposer", "pour moi il s'appuie sur des logiques de régulation, de planification et de souveraineté", "réguler ça veut dire interdire un certain nombre de pratiques, je ne vois pas pourquoi nos data centers à Marseille devraient servir à frapper de la cryptomonnaie", "et aussi en favoriser d'autres, on parle de programmation écoresponsable"
Cormand : "le plug crée du drill, le drill crée du plug"
"les pièces du puzzle qui nous permettent de créer un autre modèle, on les a déjà"
Kithoko : "j'ai l'impression qu'il y a un flou organisé sur la traçabilité des minéraux"
Cormand : "toute la due diligence est en train d'être bousillée, on peut pourtant le réglementer, le vendeur final doit dire d'où ses matériaux viennent"
Bompard : "monsieur Ciotti fait des photos avec une tronçonneuse"
Professeure à l'école des beaux-arts de Marseille, autrice de "Mémoires sauvées de l'eau"
"on dirait que ça ne parle pas de la même chose mais dans un sens, ça parle exactement de la même chose"
ruée vers l'or en Californie : "ils ont besoin d'ingénieurs, et c'est là que la Californie tombe amoureuse", "elle leur demande de la faire telle qu'elle se rêve", "et d'abord, elle leur confie son eau"
"cette histoire ira plus loin que le temps de la ruée", "elle s'écoulera vers une vallée qu'on nomme Silicon"
invention du canon à eau : "à partir de cette première invention, des dizaines de milliers de mètres-cubes de paroi s'effondrent", "la ruée devient une industrie", "aux canons s'ajoutent des canaux, des pompes, des réservoirs, des barrages", "le fleuve Sacramento devient gris", "ça n'a pas d'importance, aussi longtemps que ça rapporte"
"le XIXe siècle se termine, le XXe commence", "la Californie a perdu son intérêt pour l'or mais pas pour l'eau"
"on a construit un aqueduc de 400 kilomètres", "et Los Angeles s'est servie de l'aqueduc comme d'une paille"
"il a suivi de 13 ans pour que la ville fasse du lac [Owens] un désert", "mais l'erreur n'est pas d'avoir tout bu mais d'avoir été trop restreint", "il faut être réaliste disent les ingénieurs, et il faut domestiquer les cours d'eaux", "vider les fleuves pour construire des canaux", "et si pour ça il faut faire couler les rivières à l'envers, qu'il en soit ainsi"
Cy Lecerf-Maulpoix : "avant de poser ouvertement la question des alternatives, encre faut-il esquisser un peu mieux les contours du monde numérique dont on parle"
"Benoit Payan a annoncé il y a quelques jours le déploiement de nouvelles caméras dans le centre-vile en 2026"
Jeanne Guien (autrice de "Le désir de nouveautés") : "les objets numériques viennent à nous d'abord comme des promesses, comme des objets qui vont bientôt arriver mais qui ne sont pas du tout là", "il y a une véritable économie de la promesse, pour faire financer ces futurs produits, une startup va d'abord produire de la promesse pour intéresser les business angels"
"il y a un très fort usage de ce qu'on appelle le marketing événementiel, comme les keynotes de Steve Jobs, on va louer un grand théâtre et annoncer des choses futures", "et c'est pour ça qu'ils nous parviennent comme des objets qui représentent le futur : parce qu'ils ne sont pas encore là"
"une fois qu'ils sont sur le marché, leur autre manière d'exister c'est le renouvellement", "ce n'est pas pour rien si les consoles et les smartphones sont numérotés", "on ne va pas produire de l'innovation d'un seul coup, on va distiller des modifications dans le temps"
"il a fallu 15 ans pour que l'UE vote le chargeur universel, Apple s'est toujours battu contre cette loi", "toutes ces techniques de renouvellement existent, ce n'est pas un complot, ce sont des techniques attestées"
"la loi de 2015 définit l'obsolescence programmée comme "l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement", elle a été modifiée en 2021 pour ajouter "y compris logicielles"", "vous connaissez le Batterygate, la fameuse erreur 53, etc."
"cette loi n'existe qu'en France, elle n'a jamais été appliquée, vous avez une asso qui milite pour (Halte à l'obsolescence programmée)"
"y'a tout un management des ressources humaines qui s'est développé autour de l'idée qu'il fallait sans cesse s'adapter aux nouveaux logiciels"
Garance Poupon-Joyeux (collectif Technopolice) : "par ville sûre, on entend sécuritaire, et par sécuritaire, on entend surveillance", "ces caméras c'est autant de capteurs qui enrichissent les data centers"
VSA : "ça sert à détecter des comportements suspects, imaginez avec le fascisme montant ce qu'on peut définir comme comportement suspect"
"on a bien vu que ces caméras n'ont pas fait baisser le narcotrafic"
Laurence Allard (maître de conférences en science de la communication, spécialiste de Donna Haraway) : "déjà en 2020, on avait prédit que les guerres futures seront les guerres du tableau périodique"
"il faut savoir qu'il y a très peu de recyclage, c'est pas rentable, il y a le coût de la collecte mais aussi la pureté du mix"
"62 millions de tonnes de DEE à l'échelles mondiale dont un quart recyclé, 17 millions à l'échelle européenne dont 42% sont recyclés, en France les derniers chiffres c'est 300 kilos par an et par personne de plus de 12 ans"
recyclage informel : "les déchets repartent dans les Suds"
"il y a plus de minerais dans les déchets qu'il y en a d'exploitables sur Terre"
"il y a tout un ensemble de collectifs qui récupèrent ces "communs négatifs" et les font fonctionner à nouveau en installant Linux", "on passe d'un numérique colonial à un numérique convivial, on ouvre ces boîtes noires, c'est un versant positif du renoncement : on renonce à l'iPhone 24 mais on garde son vieux téléphone parce qu'on apprend à le réparer", "ces nouveaux militants, je les appelle les diggers de l'anthropocène", "ces mouvements c'est forcément collectif, c'est forcément de la mobilisation, donc j'espère que vous allez vous inscrire à un repair café"
Doriane Timmermans (Open Source Publishing, Constant VZW) : "on parle de relocaliser internet, j'aimerais prendre un peu de temps pour expliquer ce que ça veut dire"
"nous on ne se contente pas de parler de logiciel libre, on fonctionne exclusivement avec du logiciel libre", "les gens viennent nous demander une alternative qui marche, une recette secrète", "souvent on vient prendre le problème par un bout, et ça crée des frictions par un autre bout", "pour moi une culture de l'alternative c'est quand la culture, le logiciel et l'infrastructure se superposent"
"je vais vous raconter la fable d'Instagram et de Mastodon : tous les jours dans ma vie professionnelle et intime, on me demande c'est quoi l'alternative à WhatsApp, à Gmail", "et cette notion de remplacement, ça reste une logique capitaliste"
"ce que je trouve intéressant dans cette fable, c'est qu'elle vient défier cette logique de remplacement unique : quand j'utilise Instagram, j'utilise 3 choses différentes, l'application, le serveur et les serveurs, c'est ce qu'on appelle seamless, il n'y a pas de friction", "le problème avec le seamless, c'est que si une une partie se fait attaquer, tout le reste est HS : si mon tel n'a plus de mises à jour, j'ai le choix entre acheter un nouveau tel, ou quitter Instagram ; si l'algorithme devient fasciste, alors il faut que je barre des mots sur les screenshots"
"par contre, avec Mastodon, il y a un truc qui s'appelle ActivityPub, dont personne ne parle et qui est hyper important à mes yeux", "ces applis sont interopérables et parlent le même langage, c'est ce qu'on appelle le Fediverse"
"vous avez peut-être vu ces images qui essayent de donner une forme à l'internet", "moi j'aime bien l'image de l'essaim d'oiseaux, c'est ça qui permet à ActivityPub de fonctionner, cette notion de patchwork computing, chaque partie est seamful, on voit les coutures et on peut la découdre pour en coudre une autre à la place"
https://solar.lowtechmagazine.com/, "s'il fait un temps de merde à Barcelone ça ne marche plus"
"j'aime beaucoup cette citation : if you think (une technologie) will solve the problem, you didn't understand (cette technologie) and you didn't understand the problem"
Allard : "l'autonomisation ça paraît l'inverse de ce qu'il faut considérer, à savoir l'interdépendance", "comment tu te relies aux autres luttes ?"
Timmermans : "je suis plus dans la création de groupes d'autonomie, je reconnais que c'est une niche, ce n'est pas un hasard si je donne des cours uniquement en école d'art et non en computer science", "mais on est quand même en lien avec d'autres groupes, comme varia, ou un projet qui me tient énormément à cœur qui s'appelle TITiPI"
Allard : "c'est une logique archipélique à la Glissant, un peu rhizomatique aussi, l'essaim d'oiseaux ça marche aussi", "cette injonction à la convergence des luttes c'est un peu paralysant"
Timmermans : "ça applique ce que je viens de dire, cette idée d'interopérabilité"
Guien : "faut se battre à tous les niveaux, y'a pas vraiment à choisir ou à hiérarchiser"