Économie de l'information et des données personnelles

Pierre-Henri Morand

Notes de cours

"j'aimerais bien qu'on se serve plus des forums"

"l'économie c'est la science de l'arbitrage, vraiment ce n'est rien d'autre que cela"

Économie de l'information

1. Intro

on ne peut pas télécharger une chaise
mais la technologie numérique transforme l'activité économique au niveau des données (réduit le coût de stockage, de calcul et de transmission)
autre ex : le classement des résultats de recherche va avoir un impact considérable sur l'économie

"moi je reste sur les épaules des géants" (Adam Smith ? le prof ne semble pas marxien)
"une chaise, ce n'est pas la même chose qu'une appli"

l'étude de ces transformations (qui sont donc principalement des baisses de coût) s'appelle l'économie numérique
"ce n'est pas une définition officielle mais c'est la mienne"

5 réductions de coût :

  • recherche de l'information ("trouver des kebabs")
  • reproduction
  • transport ("ce n'est pas non plus sans coût, notamment énergétique")
  • suivi de comportement des agents
  • vérification

point de départ historique ("les informaticiens hurleraient") :

  • la commercialisation des technologies issues de la 2nde guerre mondiale, dès 1945
  • et les premiers avantages non arithmétiques (stockage sur bande magnétique)

années 90 : le transfert aux marchés
"ce n'est pas (la micro des années 80) qui m'intéresse en tant que prof d'économie"

"on voit mal pourquoi le petit-fils de la kinésithérapeute de la 2e femme de Maurice Ravel toucherait des droits sur le Boléro"

2. Réduction des coûts de recherche

"on n'a pas vu d'effets réels massifs de réduction des prix" : pourquoi ?

  • c'est difficile de lire un prix sur internet
  • l'information n'est jamais complète (algo Google, etc)
    c'est là que le DMA intervient

concernant la diversité des produits : "aucun disquaire de Besançon n'allait mettre du Sonic Youth dans ses bacs"

longue traîne

"ce qui s'applique à la musique s'applique aussi aux idées politiques" : "on ne pouvait pas être platiste au XXe siècle"

Hors cours

sur la circulation de l'information : The Truth Is Paywalled But The Lies Are Free

ce qu'on a constaté empiriquement dans les 20 dernières années, c'est que les interfaces qui contrôlent l'information donnée au consommateur ne donnent pas une information uniforme
"comment je remonte dans les classements des algos ?" un nouvel espace de concurrence est apparu

différenciation horizontale ("le lecteur de Valeurs Actuelles ne va pas aimer lire Libération") / verticale ("les câbles HDMI")
dans la réalité économique, les produits ne sont jamais totalement différentiables horizontalement ou verticalement, "y'a un peu des deux"
"ce qui va être important pour un produit verticalement différentié (à prix égal), c'est l'avis des autres"

cascade informationnelle : "si vous allez dans une rue pleine de restos identiques, vous allez choisir le premier"
c'est un exemple d'effet superstar

deux effets contradictoires :

  • une différentiation énorme où à la fin, chaque consommateur trouve le produit/l'opinion qui lui convient parfaitement
  • l'effet superstar où tout le monde choisit la même chose
    "le numérique, c'est les deux choses à la fois"
    et dans les faits, ces deux phénomènes en apparence contradictoires ont des relations plus subtiles
    ex. du monde de l'édition : durant la seule année 2007, il s'est publié autant de livres dans le monde que pendant toutes les années 70, "mais on ne vend pas plus de livres"
    "si vous décidez de passer le restant de vos jours à lire, vous aurez juste le temps de lire ce qui sort en septembre en France"
    "Léonard de Vinci est considéré comme le dernier être sur Terre à avoir eu la capacité de lire tout ce qui a pu être écrit à son époque"
    "et en même temps, la moitié de l'humanité a lu le même bouquin (Harry Potter, etc.)"
    "on regrette toujours le baklava, peu importe l'endroit où on l'a mangé"

concernant l’appairement : dans les faits, l'hypothèse de l'amélioration ne s'est pas validée
en revanche, on a vu l'émergence de services numériques qui ne pouvaient pas exister dans le monde physique = le peer-to-peer

3. Le coût de reproduction des biens numériques est (quasiment) nul

ça change énormément le paradigme économique
"vos prix de vente ne peuvent pas dépendre des coûts de production, ils doivent dépendre d'autre chose"

"gratuité" numérique = piratage / gratuité volontaire
tout l'écosystème de la revente de données - une partie de la gouvernance des données - est une conséquence logique du mode de production particulier des biens numériques

coûts fixes : "quand Airbus crée l'A380, même s'ils en vendent zéro, le personnel qu'ils auront formé, les brevets qu'ils auront déposé et les machines qu'ils auront acheté leur serviront à autre chose"
"avec un article de presse, ces investissements sont irrécupérables"

pour produire quoi que ce soit, il va falloir supporter des coûts fixes (CF) (il faut embaucher des gens, acheter des machines)
coûts variables (CV) : ne dépendent que de la production ("si je produis rien mes CV sont nuls")
CF + CV = CT (coût total)

"quand le coût marginal (Cm = dernière unité produite) est de zéro, l'échelle de production optimale, c'est celle qui écrase le marché : on voit bien que le numérique crée du monopole par nature"
"et un monde non-concurrentiel, c'est un monde qui s'éloigne de l'optimum social"

il y a deux types de CF : ceux récupérables CFR (des machines) et ceux irrécupérables CFI (la R&D)

"le numérique est à la fois une économie qui tend vers le risque absolu et vers le monopole"

comment dégager de la valeur pour le producteur (des biens informationnels) quand le prix le plus efficace tend vers zéro ?
"soit on recrée le modèle économique traditionnel, soit on fait de la monétisation de la donnée"
appropriation économique : le modèle traditionnel ne marche que si le bien peut être excluable
le changement essentiel n'est donc pas que le coût marginal soit proche de 0, mais que les bits sont non rivaux

hors cours

j'ai questionné le prof sur la notion de "rareté", qui m'appelé que si le produit fini n'avait plus de rareté, les matières premières (notamment le travail) qui restent nécessaires pour le créer restent soumises à la rareté

Shapiro et Varian, "le seul bouquin intéressant d'économie numérique, mais qui date un peu"

calculer le prix non pas en fonction du coût de production (puisqu'il est quasi-nul) mais du coût que le client est prêt à payer : "ça paraît tout bête comme changement de paradigme, mais c'est là qu'on comprend le rôle crucial de la donnée"

discrimination par les prix :

  • au 1er degré : "faire un prix différent pour tout le monde"
    volonté de connaître la disposition de l'individu à payer (DAP) en tant que tel
    "le folklore du marchandage n'est en rien du folklore, c'est un échange d'informations, le marchand est en train de faire ce qu'un outil de machine learning fait"
  • au 2e degré : on inverse la logique informationnelle, c'est au consommateur de se positionner
    "là aussi c'est pas le numérique qui a inventé ça, l'exemple typique c'est l'abonnement à la salle de sport"
  • au 3e degré : rattacher l'individu à une catégorie, et proposer un prix par catégorie
    "quand on a des catégories très fines, on converge vers de la discrimination au 1er degré"
    "si la catégorie c'est vous, alors le 3e degré devient du 1er degré"

"quelques technologies dont on ne sait pas encore si elles sont fantasmes ou réalité" : behavioral pricing, IP tracking

versions moins chères bridées des logiciels : "c'est comme la 3e classe de la SNCF, on retirait les coussins des sièges"

bundling et versioning : "le point commun c'est que ça ne coûte presque rien"

discrimination dynamique : ceux qui ont acheté ont déjà révélé une information sur leur DAP
"tout le monde croit que la différence entre un bouquin qui vient de sortir et sa version poche est liée au prix du papier : c'est faux, c'est juste que le bouquin qui vient de sortir intéresse davantage les gens avec une forte DAP"
"la logique des soldes, c'est l'impatience"

bien d'expérience : il faut le consommer pour connaître sa valeur (film, livre, restaurant...)
les biens informationnels sont souvent des biens d'expérience
"c'est dur de capter la valeur des biens informationnels, c'est plus facile de capter celle des biens complémentaires"

Radiohead en 2007 : "ils n'ont jamais eu autant d'argent"

4. Réduction des coûts de transport

si le bien est numérique, la distance n'existe plus
mais même pour les biens physiques, le numérique a changé notre relation à la distance

potentiel de la "culture mondiale" ("personne n'aurait regardé La Casa de Papel aux USA si c'était sorti il y a 10 ans") : "on voit bien qu'empiriquement, on ne s'est pas complètement affranchi des distances"

hors cours

sur la "culture mondiale", voir l'intervention d'Amaarae dans Comment le streaming a mangé la musique (Pergent & Fanen)

5. Réduction des coûts de suivi

campagne électorale de Joe Biden : "les afro-américains ne voyaient pas les mêmes messages que les blancs"

hors cours

on peut lire le Cardon sur la publicité et la notation

théorie du signal : pour qu'un signal soit crédible, il faut que celui qui n'est pas bon soit moins crédible que celui qui est vraiment bon

Économie des données personnelles

1. Intro

"la vraie innovation de la Tesla, c'est pas un moteur à chaque roue, c'est que c'est un objet connecté qui récupère des données"

domaine de l'autogouvernement : "cette question n'est pas centrale"
"la question du consentement se pose déjà en 1890"

"si on enlève toutes les informations pouvant vous stigmatiser dans un CV, il n'y a plus de CV"
"il n'y a pas forcément d'un côté des utilisateurs qui veulent tout garder pour eux, et de l'autres des entreprises qui veulent tout savoir, le jeu est plus complexe"
"on est contents qu'une part de nous soit publique dans l'espace économique"

exemple d'externalités : réseau Sentinelles et Google Trends

2. Les données personnelles, un bien économique

dans le marché de l'information personnelle, le producteur est exclu, il n'y a que des traders, "c'est assez surprenant pour un marché" :

  • marché public, "vous avez des grands opérateurs cotés en bourse"
  • marché d'achat, "j'achète de la donnée"
  • marché spécifique
  • valeur pour les autres
  • valeur forfaitaire : "je vous file 50 dollars, j'accède à ces données"

dans le marché du secret des DP, "on passe notre temps à payer pour ne pas qu'on ait accès à des données"

  • marché privé, "c'est moi qui vais acheter mon antivirus"
  • marché de vente, "je vends des prestations de cybersécurité"
  • marché générique
  • dommage pour soi
  • annuité négative, "je paye pour éviter de subir des conséquences négatives dans le futur"
    Dans ce marché, les consommateurs révèlent de l'information de manière conscience ou fortuite, "les valeurs dépendent énormément du contexte"

pour Stigler et Posner, "ce sont toujours les mauvais individus qui ont intérêt à cacher de l'information"